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Réenchanter l'école… un espoir fou ?
Peut-on espérer changer l’école et rejoindre le rêve de Pierre Rabhi qui y voit « la construction d’un futur pour l’humanité » et dont le rôle majeur serait « d’ouvrir les jeunes sur le vivant » ? Peut-on rêver d’une école qui accompagne l’apprenant dans sa globalité, vénère sa singularité et valorise ses qualités ? une école où les enseignants témoignent du bonheur d’enseigner, où les apprenants cultivent la joie de vivre et donnent du sens aux apprentissages… bref, une école où l’on met fin aux déterminismes et où l’on considère apriori tout apprenant comme éducable.
Halte donc aux paroles qui tuent, que l’on entend en conseil de classe ou au détour d’une salle des profs : « sa sœur était ainsi... je l’ai eue comme élève », « on va l’aider autant que possible mais ça ne changera pas grand-chose », « elle est comme son frère… c’est en famille, ils ne sont pas très doués pour les études »… un déterminisme scolaire d’ordre social et culturel ou, pire, cognitif : « il n’est pas intelligent, il ne peut pas ! c’est ainsi ! », « Il est de tout temps comme ça, je le connais, il est stupide ! ». Des stéréotypes que l’apprenant charrie durant sa scolarité et qui entravent son épanouissement. Des perceptions intégralement démenties par les avancées neuroscientifiques grâce à la découverte de la « Plasticité cérébrale » (Dehaene, 2007), certifiant que le cerveau est d’une plasticité étonnante et qu’il évolue tout au long de la vie. Les neurosciences cognitives confirment ainsi scientifiquement le postulat d’éducabilité, celui d’espérer dans chaque apprenant qui nous est confié, comme une personne en devenir, jamais achevée…
Croire à l'éducabilité de nos apprenants est une évidence, les accompagner vers l’excellence est une mission et s’ingénier à trouver le moyen qui dévoile leurs capacités est une obligation, ce qui rejoint l’affirmation de Philippe Meirieu que « rien ne garantit jamais au pédagogue qu’il a épuisé toutes les ressources méthodologiques, rien ne l’assure qu’il ne reste pas un moyen encore inexploré, qui pourrait réussir là où, jusqu’ici, tout a échoué ». La responsabilité des acteurs éducatifs, enseignants, responsables académiques, chefs d’établissement n’est donc pas des moindres, elle est d’abord morale et humaine. Elle consiste à rompre avec les déterminismes sous toutes leurs formes, à raviver la faculté de discernement et à redonner vie aux valeurs humaines. Il s’agit surtout de laisser le temps au temps, pour permettre l’émergence de la relation pédagogique, unique et singulière avec chaque apprenant, tissée à partir de l’histoire de chacun et de son contexte.
Mais, le temps semble toujours manquer aux enseignants. Clé de voûte de l’éducation, le temps est précieux… savoir l’exploiter, le perdre pour l’optimiser afin de préparer les citoyens de demain est une vertu hautement saluée par Jean-Jacques Rousseau qui a osé un jour affirmer que « la plus grande, la plus importante, la plus utile règle de toute l'éducation (…) n'est pas de gagner du temps, c'est d'en perdre ».
Par conséquent, lorsqu’il est question de réussite, il s’agit autant de bien-être à l’école que de réussite scolaire. Les neurosciences cognitives l’ont encore une fois prouvé : le cerveau de l’apprenant est social et il ne s’épanouit que dans la relation positive à autrui, en l’occurrence, aux enseignants. Inutile donc de rappeler l’importance d’une posture empathique et bienveillante… bref, humaine pour humaniser nos apprenants.
Patricia Rached
Doyenne de la Faculté des sciences de l'éducation
Université Saint-Joseph de Beyrouth


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