Quand les écrivains s’attaquent

Nadim CHOUEIRI
Mardi 16 février 2021
Organisateurs


Cela peut paraître étonnant, mais même les écrivains les plus fameux sont sujets à des sentiments aussi rudimentaires que la colère vis-à-vis de leurs collègues, voire même de la jalousie. Et une fois qu’ils se déchaînent les uns sur les autres, prenez garde !

 

Leur esprit et leur génie littéraire sont alors mis au profit de leur énervement, et c’est alors que voient le jour des piques tout aussi douloureuses pour celui qui les reçoit, que divertissantes pour celui qui les lit.  

 

Tous les lecteurs friands de romans du XIXème siècle ont sûrement lu des œuvres de Balzac ou d’Alexandre Dumas. Peut-être leurs livres vont de pair côte à côte dans une bibliothèque, mais les auteurs, eux, n’étaient pas si conciliants l’un avec l’autre, ou du moins, pas tout le temps…

Balzac et Dumas avaient été invités à dîner chez des amis en commun, alors qu’ils étaient en mauvais termes. Pendant le dîner, Balzac fait une annonce, et dit : 

 

« Quand je serais bien usé, j’écrirai du théâtre ».

 

Dumas rebondit alors sur cette annonce, et tacle l’auteur du Lys dans la Vallée, en lui disant : 

 

« Commencez tout de suite ! ».

 

Sans doute qu’il s’agissait plus d’une taquinerie que d’une pique réelle, issue de mauvaise foi. 

 

Si nous pouvons retrouver un certain humour dans cette réplique de Dumas à Balzac, il serait par contre difficile d’en trouver dans la pique faite d’Oscar Wilde à Zola. 

Du point de vue littéraire, les deux écrivains étaient opposés. L’un défend la vision de « L’art pour l’art », l’autre se classe sous le signe du naturalisme.

Vous l’aurez deviné, l’un est Oscar Wilde, l’autre est Émile Zola. Cette opposition dans le champ de bataille littéraire pourrait se résumer par une phrase déclarée par Oscar Wilde concernant Zola et son œuvre, qui est la suivante : 

« Monsieur Zola est déterminé à prouver que, s’il n’a pas de génie, il peut au moins être ennuyeux ».

 

Il ne doit rien y avoir de pire que de se faire taxer d’ennuyeux dans le domaine littéraire, mais surtout d’être décrit comme étant un écrivain manquant de génie. Oscar Wilde, en critiquant ainsi Zola, ne critique pas uniquement l’auteur, mais indirectement également tout son lectorat… 

 

Enfin, qui de mieux que Georges Feydeau pour clore cet article sur les piques entre auteurs ? 

 

Les pièces de Feydeau nous auront donné le sourire aux lèvres plus d’une fois. Il n’usait pas de sa subtilité et de son humour que dans son œuvre, mais aussi dans la vie de tous les jours, et surtout quand quelque pièce lui déplaisait. Ainsi, alors qu’il assistait à une pièce de théâtre, il profita de l’entracte pour se lever et aller chercher son manteau. Au vestiaire, on signala à M. Feydeau qu’il restait pourtant encore un acte, et il répondit alors : 

 

« Je sais, c’est pour cela que je m’en vais. »

 

Certes, le dramaturge de ladite pièce a dû se sentir bien bas, mais il est difficile de ne pas apprécier cette sorte de tact, de génie dans la répartie de Feydeau. 

 

Nous pouvons donc retenir que même les auteurs les plus légendaires aiment bien se taquiner et se provoquer entre eux, de temps à autre, et quand cela arrive, cela vaut le détour !