Street art culinaire à l’encontre de la xénophobie

Jana Abi Nakhle
Samedi 10 Avril
Organisateurs


Depuis déjà une décennie, Pier Paolo Spinazzè, alias Cibo, tente d’effacer les graffitis haineux, racistes et immatures des rues de Vérone, sa ville d’enfance. Après le décès d’un ami proche sous les mains de militants racistes en 2008, l’artiste grapheur décide de s'armer de son art pour lutter contre la recrudescence de la xénophobie. 

Pour lui, il n’y a rien de mieux que d’user de ses deux passions – l’art et la nourriture – en binôme pour protester et mettre le patrimoine italien culinaire au premier plan. Ce n’est pas par hasard si le pseudonyme « Cibo » signifie « aliment » en italien ; la nourriture dépasse de simples préférences : c’est une identité prépondérante et la gloire de l’Italie, pays gourmet. 

S’il reçoit régulièrement des menaces, nombreux sont les admirateurs qui lui signalent aujourd’hui l’emplacement de nouvelles atrocités qui resurgissent. Prêt à relancer son imagination, il s’empresse de se précipiter pour les recouvrir et compléter son œuvre de plus belle. Voir ses œuvres se détériorer ne fait que l’inciter à progresser inlassablement dans sa mission de faire ressortir la véritable essence italienne. 

L’artiste raconte comment le fascisme est un chapitre sombre de l’Histoire : haine, rupture et séparation sont proclamées par cette idéologie qui a fait perdre des millions de vies et qui nourrit aujourd’hui quelques partis. 

C’est dans cet esprit qu’une attention particulière est portée à l’histoire d’un tag nazo-fasciste louant Mussolini. Ces louanges sont abattues par quelques coups de peinture pulvérisée qui suffisent pour dessiner une part de parmesan, fierté nationale italienne. Ce qui est captivant est la manière dont Cibo a fait preuve de créativité par son jeu de mots pour ternir ce slogan : le mot Parmigiano (parmesan) ressemble à Partigiano (partisans : résistants pendant la Seconde Guerre mondiale opposés aux troupes allemandes alliées de la République sociale italienne fasciste, dans le cadre de la guerre civile italienne) et renvoie donc inéluctablement au refrain « O partigiano, portami via » (O partisan, emmène-moi) du chant de révolte Bella Ciao. Le génie de Cibo a fait qu’à travers cette œuvre savoureuse quoique piquante, l’hommage au fascisme et à ses sous-entendus soit annihilé par l’antifascisme, cela par l’intermédiaire du parmesan victorieux.

Par son street art authentique et succulent mais surtout engagé, et son appétit du combat contre le racisme et l’immoralité, Cibo reste un exemple à suivre par les artistes dans le monde. Cette piste de réflexion incite à élargir l’horizon des solutions à la haine tout au long de ce parcours de lutte sociétale parce que l’espoir ne meurt jamais.