Récurrences stylistiques dans le cinéma de Xavier Dolan

Riba CHEDID
Jeudi 20 mai 2021
Organisateurs


Dimanche 2 mai 2021 marque la date à laquelle j’ai enfin été à jour avec la filmographie de l’un de mes réalisateurs préférés : Xavier Dolan. 

De nationalité canadienne, acclamé sur la scène internationale, Dolan a écrit et réalisé huit long-métrages jusqu’à présent, et il est reconnu pour les récurrences stylistiques et thématiques dans son cinéma, qui personnellement me fascinent. Je peux ainsi dès les premières images distinguer l’un de ses films à travers son langage visuel et les thèmes traités, et c’est ce que je trouve très intéressant. Parmi les multiples récurrences stylistiques distinguées, en voici trois : 

 

  1. La structure non-linéaire :

Dans cinq de ses huit films (voir filmographie à la fin), le cinéaste québécois adopte des structures non-linéaires pour raconter ses histoires, que ce soit à travers des séquences détachées du récit, ou par des ellipses temporelles, qui viennent souvent sous forme de confessions. Dans J’ai tué ma mère (2009), il insère des séquences en contraste avec le contenu du film lui-même, dans lesquelles Hubert (Xavier Dolan) est calme, et exprime son amour et sa haine pour sa mère Chantal (Anne Dorval) en face d’une caméra-vidéo. Elles viennent en contraste avec la manière avec laquelle il exprime sa rage envers sa mère durant le reste du film. De même pour Nos amours imaginaires (2010), dans lequel des séquences de personnes aléatoires, qui ne participent pas à la narration de l’histoire, confessent face caméra leur vie de couple d’une façon libre et ouverte, contrairement au contenu du film dans lequel le non-dit entre Marie (Monia Chokri) et Francis (Xavier Dolan) vis-à-vis de leur triangle amoureux avec Nicolas (Niels Schneider) est débordant. D’autre part, dans Laurence Anyways (2012), The Death and Life of John F. Donovan (2018), et Matthias et Maxime (2019), Xavier Dolan emploie une structure en flashback et des ellipses temporelles, à travers lesquelles il met souvent en évidence le poids d’un évènement qui va se produire, et les fluctuations qui viennent avec. Ainsi, dans Laurence Anyways, on voit Laurence (Melvil Poupaud) en 1989 et en 1999, avant et après sa conversion sexuelle, soulignant le temps qu’il a pris (10 ans) pour être à l’aise dans sa peau. Tout au long du film, on voit aussi des séquences de Laurence en 1999 qui parle de son nouveau livre avec une journaliste, sous la forme d’une confession indirecte à travers laquelle il témoigne de son vécu durant ces 10 années. De même dans The Death and Life of John F. Donovan, on assiste parallèlement à deux temporalités, mettant en évidence l’impact de la mort de John F. Donovan (Kit Harrignton) en 2006 sur Rupert (Jacob Tremblay), jusqu’au jour présent en 2017, également lors d’une interview avec une journaliste.

 

  1. L’abondance de références artistiques

Grand esthète, Xavier Dolan fait référence à des œuvres d’art dans la totalité de ses films, que ce soit par :

  • - Des citations littéraires, comme, entre autres, Alfred de Musset dans J’ai tué ma mère et Nos amours imaginaires, et Henry David Thoreau dans The Death and Life of John F. Donovan.

  • - Des pièces orchestrales, comme « Symphony No.5 in C Minor, Op. 6, I. Allegro con brio » de Ludwig van Beethoven dans Laurence Anyways, et « The Beautiful Blue Danube » composée par Johan Strauss II dans The Death and Life of John F. Donovan.

  • - De la musique de pop, comme « Bang Bang » de Salvatore Bono, interprétée par Dalida dans Nos amours imaginaires, ou « Born to Die » de Lana Del Rey dans Mommy (2014), et « Work Bitch » de Britney Spears dans Matthias & Maxime.

  • - Des tableaux de peinture, comme la Mona Lisa de Leonardo Da Vinci dans Laurence Anyways.

  • - Des films comme My Fair Lady (1964) de Georges Cukor dans Nos amours imaginaires.

 

  1. Le dynamisme du format d’image adopté.

La particularité du format d’image (en anglais : aspect ratio) dans le cinéma de Xavier Dolan est son dynamisme et son interaction avec l’action, lui donnant ainsi une fonction dramatique. Dans trois de ses films, celui-ci change durant le film, dépendamment de l’action qui se déroule. Par exemple, dans le film Mommy, qui a remporté le prix du Jury au festival de Cannes en 2014, le format 1:1 (un carré parfait) est employé pour être très proche des personnages, mais aussi pour les enfermer comme dans une cage. À deux moments clés et pleins d’espoir, ce carré parfait s’ouvrira vers la gauche et la droite pour devenir un 1.85 :1 (un rectangle), illustrant une certaine libération de cette cage dans laquelle ils étaient enfermés, visuellement et métaphoriquement. Le même procédé est adopté dans son troisième long métrage, Tom à la ferme (2013), dans lequel le format d’image de 1.85 :1 (un rectangle) se rétrécit du bas et du haut  progressivement, pour arriver au format 2.35 :1 (un rectangle plus serré que le 1.85 :1), lorsque le protagoniste Tom (Xavier Dolan) est attaqué violemment par Francis (Pierre-Yves Cardinal), le frère de son ex. D’une certaine manière, le format d’image asphyxie Tom, tout comme Francis. Quant à Matthias et Maxime, le format passe aussi du 1.85 :1 au 2.35 :1 lors d’une scène très sensuelle entre les protagonistes, renforçant le choc amoureux et la magie de ce moment très particulier. 

 

Les récurrences stylistiques du cinéma de Dolan pourraient ainsi être disséquées et interprétées à n’en plus finir, tout comme les récurrences thématiques également très présentes, comme l’absence de figure paternelle dans la quasi-totalité de ses films, ou la présence d’une figure maternelle dysfonctionnelle.

 

Filmographie de Xavier Dolan :

  1. J’ai tué ma mère (Titre anglais : I killed my mother) (2009)

  2. Nos amours imaginaires (Titre anglais : Heartbeats) (2010)

  3. Laurence Anyways (2012)

  4. Tom à la ferme (Titre anglais : Tom at the farm) (2013)

  5. Mommy (2014)

  6. Juste la fin du monde (Titre anglais :  It’s Only the End of the World) (2016)

  7. The Death and Life of John F. Donovan (2018)

  8. Matthias & Maxime (2019)