Appartenir

Juillet 2021

«  Est-ce que tu sens que tu appartiens à quelque chose, à quelqu'un, à quelque part ? » Devant cette question je suis restée muette, non sans sentir une vague de pensées déferler dans ma tête…

Appartenir ! Quel vaste concept. À quoi ? À qui ? Comment et pourquoi ?

 

Je pense que nous sommes modelés par nos appartenances, nous sommes le produit final de tous ces bouts d'existence que nous portons. Notre personnalité est un mélange de toutes ces appartenances qui nous ont imprégnées : les endroits que nous avons fréquentés, les personnes que nous avons connues, l'astuce que j'ai apprise au camp d'été 2014, la recette que je retiens de ma grand-mère, l'anecdote que je raconte toujours du jeune camarade de la seconde B, les savoir-faire appris au village, le proverbe espagnol que j'ai retenu de mon ancien enseignant, l'idéologie qui me tient à cœur depuis qu'elle m'a été introduite dans les discussions de paroisse, l'herbe médicinale que ma voisine m'a appris à utiliser pour les maux de ventre…


Appartenir est un rêve pour certains, une ancre de sécurité dans la mer fougueuse de la vie. Pour d'autres c’est un devoir, une responsabilité, une cause à laquelle ils doivent rester fidèles. Une fierté, une honte ; tout est relatif. Pour moi, l'appartenance a toujours été accompagnée de tiraillement. Détachement urbain ou enracinement au village ? Obligations familiales ou liens d'amitiés ? Patriotisme ou indifférence ? Vers qui pencher et à qui donner la priorité ? Où se réfugier quand mon âme troublée en a marre de la dure réalité ? Quelle philosophie suivre et quelles valeurs adopter ? Comment créer un équilibre entre différents morceaux de son cœur ?

 

Nos appartenances nous définissent, mais à force de compter sur elles pour le faire il devient facile de se perdre dans leur multitude. Leur diversité pèse lourd quand sonne l'heure des décisions et des choix. Quand nos envies et intérêts sont mis en jeu face à nos appartenances imposées ainsi que librement choisies, il faut faire attention à ne pas perdre son identité, être absorbé au point de sentir qu'au final, on n’appartient à rien, à nul part…C'est beau une mosaïque, à condition que ses fragments ne s'écroulent pas pour révéler un vide néant. Nous cherchons à cocher des cases d'appartenances pour nous définir, pour avoir une image plus claire de nous-même, pour nous sentir inclus, aimés, cette notion de "Home" qui nous hante et qui nous entraine - tels de petits Hansel et Gretel avides d'acceptation - à la recherche d'un nid douillet où règne la quiétude de l'âme. Un nid qui varie d'un endroit à une personne, de quelques murs à une paire de bras et d’ yeux, de souvenirs de nuits d'été à une parcelle de terre héritée, d'un ancien tricot fait par des mains qui ne sont plus à un livre poussiéreux témoin d'un parcours de vie, à un certain "Ahla w sahla" souriant qui même les plus dures intempéries de la vie n'ont pas réussi à changer. 

 Fardeau ou havre, nous appartenons, et ce que nous en faisons est tout ce qui compte.      

Rafka Tanios L4