Une horreur sans nom

Juillet 2021

Ce 4 août a marqué le désastre historique de Beyrouth. Un désastre sans cause identifiable. Un coup du sort qui a tout changé dans nos vies.  Comment trouver les mots pour décrire cette horreur sans nom ?

Peut-être en essayant d’en parler avec des mots simples, étant moi-même une des victimes directes de ce drame. Voici mon histoire.

Après avoir obtenu mon permis de conduire, j’avais à cœur de m’entrainer à la conduite pour être plus à l’aise derrière le volant, mais  étant donné les circonstances et la situation du pays je n’ai pas eu l’occasion de le faire. Cependant, ce mardi 4 août, ma mère et moi avions décidé de sortir un peu après des mois de confinement forcé. Je voulais en profiter pour m’habituer à conduire dans les rues de Beyrouth, dans l’espoir qu’un jour je pourrai utiliser ma voiture pour aller à l’université.

Et voilà qu’en quelques secondes, tout a basculé ! Je revois la scène : Toutes les deux debout au rez- de- chaussée, ma mère qui répondait à un message. Et tout d’un coup un bruit assourdissant, effrayant, suivi de changement de couleurs qui se combinaient dans le ciel. Nous avons essayé de reculer mais avons été projetées toutes les deux vers l’escalier. Des débris de verre éparpillés partout ; mon corps ensanglanté.  J’arrivais à peine à respirer, une peur extrême me paralysait. A mes côtes, ma mère tremblait et son cœur battait la chamade au point que j’en entendais les battements. J’entends encore nos cris et je revois mon père se précipitant vers nous pour nous conduire directement à l’hôpital. Je perds conscience. Pendant deux heures, moi baignée dans mon sang, nous faisons le tour des hôpitaux : quatre en tout mais aucun ne peut nous accueillir. Je n’ai plus de larmes. Je ne comprends plus rien. Tout autour de moi, des gens, des enfants qui hurlent, des blessés étendus par terre paralysés, déformés et  des femmes couvertes de bandages rouges de sang. C’est la pagaille : les patients ne cessaient d’affleurer ; toutes sortes de gestes médicaux sont pratiqués sur le trottoir, à même le sol, parce qu’à l’intérieur des hôpitaux c’est la catastrophe !

Je suis sous le choc jusqu’à présent ! Sous traitement médical jusqu’à présent !  Le mardi 4 août à 18h07, une date diabolique qui restera à jamais gravée dans ma mémoire. 

Sandra Mansour

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