L'Observatoire de la fonction publique et de la bonne gouvernance (OFP) de l'Université Saint-Joseph de Beyrouth (USJ), a organisé la deuxième édition de la cérémonie de remise du Prix Michel Eddé de la meilleure thèse de doctorat sur l'administration publique et la bonne gouvernance, le mardi 13 décembre 2022, à l'auditorium François S. Bassil du Campus de l'innovation et du sport, rue de Damas, en présence du recteur de l’USJ, le Pr Salim Daccache s.j. ; de M. Salim Eddé, co-fondateur de Murex et fondateur du musée MIM ; du directeur de l'OFP, le Pr Pascal Monin ; de l'ancien président de la République, le général Michel Sleiman ; du lauréat du premier prix, Dr Ghadir al Alayli et du lauréat du deuxième prix, Dr Simon Kachar ; ainsi que d’une foule de députés, de ministres et de personnalités politiques, militaires, syndicales, médiatiques et intellectuelles.
Sur 14 thèses reçues, le jury a procédé à une première sélection, puis les cinq thèses sélectionnées ont été remises à un professeur expert, appartenant à une université autre que celle où la thèse a été soutenue. Ensuite, un comité d'attribution du Prix, présidé par le Pr Salim Daccache, s'est réuni pour déterminer les lauréats. Après délibération, le comité a annoncé que le premier prix était attribué à Dr Ghadir al Alayli pour sa thèse intitulée : « Le droit naturel, fondement de l'État de droit panarabe », tandis que le choix du lauréat de second prix s’est porté sur Dr Simon Kachar pour sa thèse intitulée : « Fouad Chéhab et le changement politique dans une société pluraliste. Leçons et enseignements ».
Après l'hymne national et un intermède musical avec Michel Bou Rjeili et Karim el Dahdah, le Pr Pascal Monin a parlé de « Michel Eddé, l'homme qui a passé sa vie à défendre le Liban, aujourd'hui menacé dans son existence et son rôle, face à une grave crise qu'il n'avait jamais connue depuis sa création en 1920. Il n'a jamais désespéré, même pendant les années les plus dures de la guerre, la guerre des autres et celle des Libanais, car « son » Liban n'était pas fondé sur une politique étroite mue par le sectarisme et les connexions extérieures, mais était plutôt un modèle de rencontre et d'unité issue de la pluralité. Aujourd'hui, nous avons besoin de la pensée et de la démarche de Michel Eddé pour créer l'espoir et parvenir à une solution stable qui assure la stabilité et la paix ».
« La modération, poursuit Monin, a marqué la vie d'Eddé qui voyait le Liban comme un espace de dialogue et de coexistence humaine qui n'a pas d'égal dans le monde. Il était un ardent défenseur de la formule libanaise au plus fort des années de guerre. Et nous voilà, aujourd'hui, face au problème de la préservation de cette formule pour que le Liban reste tel que nous le voulons : le Liban de la rencontre et du dialogue, le Liban de l'expérience humaine, le Liban de l'avant-gardisme et de la créativité, le Liban-message et le Liban-liberté ». Il a souligné que la démarche d'Eddé constitue, dans sa gestion des affaires publiques, ainsi que dans les domaines de la pensée, des médias et du travail social, un modèle de travail visant à réaliser le développement et le service communautaire. Dans sa pratique, il a adhéré aux règles et aux principes de bonne gouvernance. Il aspirait également à une administration publique moderne et efficace, loin de la corruption et du népotisme. Cette approche constitue, aujourd'hui, une feuille de route valable pour redonner vie au Liban et parvenir à la stabilité. Monin a parlé aussi de Michel Eddé, l’érudit, l’homme de droit, le propriétaire de journal et l'homme d'affaires qui a concentré en sa personne l'histoire du Libanais entrepreneur ayant rendu au centuple les talents reçus, à force d’effort et de persévérance. Ajoutant, « en cette période de vacance, nous nous souvenons de l'homme qui occupait pleinement sa place grâce à son travail et à sa productivité. Il nous a laissé un héritage que nous veillons, avec l’Université Saint-Joseph et sa famille, à perpétuer et à consolider pour les générations présentes et futures. C'est une occasion pour moi de remercier sa famille, ses enfants et ses petits-enfants et de saluer leurs efforts qui confirment qu'ils suivent son chemin. Nous remercions son fils, M. Salim Eddé, pour sa présence parmi nous. En effet, par son travail conjoint avec l'Observatoire de la fonction publique et de la bonne gouvernance de l'Université Saint-Joseph, il confirme sa foi dans le rôle de la jeunesse libanaise dans le présent et l'avenir du Liban. »
Pour sa part, M. Salim Eddé a prononcé un discours dans lequel il a déclaré : « Près de trois ans se sont écoulés depuis la dernière cérémonie de remise du Prix Michel Eddé et le Liban continue de se détériorer jour après jour sous le poids des calamités qui l'ont frappé, jusqu'à ce que certains commencent à douter que notre pays s'en remettra un jour, voire qu’il se maintiendra en tant qu’entité viable. Quand nous regardons notre misérable région, transformée en États détruits ou hostiles expulsant sans relâche leurs habitants et leur jeunesse et quand nous voyons les conditions de notre pays, ce pessimisme ne peut que s’accroître au vu du chaos latent, des institutions désintégrées, de la rivalité et de la division des communautés ainsi que de notre classe politique, composée, au mieux, de personnes impuissantes ou souffrant d’un manque de compétences, de connaissances et de vision et, dans tous les cas, faite de corrompus professionnels. »
Et il a poursuivi : « Mais je peux vous surprendre en allant à contre-courant de la tendance actuelle et des attentes funestes. Je suis aujourd’hui plus optimiste que jamais. Parce qu'un pays qui a pu surmonter toutes les adversités, les invasions, les occupations, les crises des réfugiés et des déplacés et les répercussions de l'effondrement post-17 octobre 2019, mérite de vivre. Tout cela appelle des recherches et une étude sur son profond secret et les éléments de sa survie. Le secret est sans aucun doute le peuple libanais qui est la richesse exceptionnelle d'un pays ayant une petite superficie, aux ressources rares et aux nombreux enjeux. J'ai hérité cet optimisme de mon père qui a cru au Liban toute sa vie consacrée à la politique, une politique dont le concept est rare de nos jours. La politique, en son sens pur et noble, c’est-à-dire la gestion des affaires du peuple avec justice, en faisant primer les intérêts du pays sur tout autre intérêt. »
Quant au Pr Salim Daccache, il a souligné que « le comité sélectionnant les lauréats a maintenu l'idée initiale du Prix, à savoir, veiller aux valeurs de l'État, l’administrer et l’accompagner comme l’a souhaité Michel Eddé, dans le discours qu'il a prononcé lors de la conférence de presse annonçant ce Prix où il a évoqué trois questions fondamentales liées à celui-ci et qu'il a voulues comme point de repère dans la vie académique et politique du Liban : premièrement, l'attachement au Liban et à l'entité libanaise, non pas symboliquement ou hypothétiquement, mais un attachement sensoriel à l'État et à sa bonne gouvernance qui protège les valeurs fondamentales sur lesquelles la nation libanaise a été fondée. Parmi ces valeurs, redonner à la politique ses lettres de noblesse, pour qu’elle ne repose pas sur les vexations, les quotas et la corruption, mais plutôt sur la poursuite du bien commun. Deuxièmement, parler du Liban et de la bonne gouvernance est indissociable du vivre ensemble. L'histoire du Liban depuis l'Antiquité, et surtout depuis le XIXe siècle, est liée, comme le dit Michel Eddé, au principe d'une coexistence authentique et non fortuite. Le Liban constitue, en effet, une exception à ce niveau et il ne fait aucun doute que ce qu'il vit aujourd'hui - l’accumulation d'erreurs dans son administration et la corruption liée aux affaires politiques - affecte profondément, voire menace cette coexistence. Quant au troisième point, nous l’avons compris, lorsque le ministre Eddé, le jour de la création du Prix, a sorti la carte de la mission militaire française en 1860 pour dire que la France n'a pas créé le Liban en 1920 à partir de rien, mais que les cazas, qui étaient inclus dans la carte du Liban, existaient depuis longtemps. Dans l'esprit de Michel Eddé, l'entité libanaise n'est pas artificielle, mais plutôt inhérente à la permanence et à la volonté de son peuple de la préserver. Dans ce cadre, Eddé a voulu, à travers ce Prix, impliquer la jeunesse libanaise résidant au Liban, tout comme celle qui est expatriée, dans le développement de sa vision, de ses connaissances et de son intérêt pour les affaires publiques ».
Pour sa part, le député Marwan Hamadé a indiqué que « Michel Eddé est une exhortation apostolique et un pacte national incarné dans son amour, son pluralisme intellectuel et religieux et son érudition, recherchée par tous ceux qui ont un dilemme intellectuel, scientifique ou de recherche, et qui le consultaient, lui, au sourire permanent, à l'opinion perspicace et à la position bien au-delà des alignements politiques ».
Il a également évoqué Michel Eddé l’intellectuel, le père de famille affectueux, le défenseur de la presse francophone et le ministre influent qui a œuvré pour la réussite de la réconciliation de la Montagne.
Quant à l'ancien député et ministre M. Edmond Rizk, dans un discours prononcé en son nom par son fils, M. Amin Rizk, il a estimé que « la bonne gouvernance dans la fonction publique repose sur des éléments relatifs aux personnes et d’autres relatifs aux lois : les premiers éléments font appel à l’intégrité personnelle qui se base d’un côté, sur un système de valeurs claires acquises par l’éducation et la connaissance, ainsi que par le cadre et la culture dans lesquels une personne a pu baigner et évoluer et les compétences et l’expérience qu’elle a pu acquérir, et d’un autre côté, sur une disposition fondamentale éthique qui place le collectif au-delà du personnel ».
« On ne peut concevoir une bonne gouvernance dans la fonction publique, ajoute Rizk, sans un sens du devoir ou la vocation à se mettre au service de la collectivité et des institutions. Il faut savoir servir des causes au-delà de soi. La bonne gouvernance comprend aussi des textes et des procédures, pour assurer la transparence, améliorer les services aux citoyens, éviter les conflits d’intérêts et de pouvoirs de même que la corruption. Elle est également un mécanisme interactif car les situations pouvant devenir complexes, l’évolution de la société et des mœurs doit aussi être prise en consideration. »
« A l’époque où la génération de Michel Eddé exerçait la fonction publique, le concept de la bonne gouvernance n’était pas encore élaboré comme il l’est aujourd’hui, dans les textes de loi et les procédures. Malgré cela, nous constatons qu’avant, comme dans tout pays, la classe politique œuvrait pour trouver des solutions aux problèmes, alors qu’aujourd’hui, elle cherche à trouver des problèmes aux solutions. Cela démontre que la bonne gouvernance dans la fonction publique est une question de personnes avant d’être une question de textes de loi et de procédures, qui, bien que de plus en plus nécessaires, ne seront jamais suffisants, tant qu’il n’y a pas de personnes capables et dignes de les appliquer », conclut Rizk.
Après des mots de remerciements, Dr Ghadir al Alayli et Dr Simon Kashar, ont reçu des prix en espèces dotés respectivement de 6 000 $ (premier prix) et de 4 000 $ (deuxième prix). La cérémonie a été clôturée par une photo souvenir suivie d’un cocktail.
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