Matinée de réflexion sur la recherche

Jeudi 23 février 2023

Les années 2020 : un tournant pour la recherche en sciences humaines ?

Une matinée de travail sur la recherche à la Faculté des lettres et des sciences humaines (FLSH) de l’Université Saint-Joseph de Beyrouth (USJ), a été organisée le jeudi 23 février 2023 à la Salle polyvalente du Campus de sciences humaines, en présence du recteur de l’USJ, Pr Salim Daccache s.j., du doyen de la FLSH, Pr Myrna Gannagé, du Pr Dolla Karam Sarkis, Vice-recteur à la recherche, du Pr Bruno Falissard, venu spécialement de Paris pour la conférence inaugurale intitulée « Comment les années 2020 nous obligent à repenser le clivage sciences humaines/sciences de la nature ? », et un parterre d’intervenants, de professeurs, de chercheurs et d’étudiants.

« L’organisation de cette matinée découle de la volonté d’engager une réflexion sur la recherche afin de la structurer, de lui donner plus de visibilité et de la faire évoluer », précise Pr Gannagé lors de la séance d’ouverture, car « on ne peut pas nier l’impact que la recherche en sciences humaines a sur la société. » Le chercheur, poursuit-elle, « est un expert du domaine qu’il étudie et son expertise sert à entrer en dialogue pour identifier et structurer des questions et des réponses avec les acteurs économiques, politiques et sociaux de son domaine d’expertise. »

Publications et interdisciplinarité

Cette approche dialogique du rôle du chercheur en sciences humaines a donné naissance, ces deux dernières années, à de nombreuses publications dont 83 ouvrages, 138 articles dont 83 dans des revues indexées (13 dans Scopus et 55 dans des revues à comité de lecture) et à une revue Interaxxion. « Dans notre faculté, ajoute Gannagé, les produits de la recherche ne sont pas exclusivement dominés par les articles de revues scientifiques. Il y a les ouvrages, les articles à audience nationale et des productions à destination d’un public plus large. Les audiences sont plus variées que dans les autres domaines scientifiques. »

Si la recherche en sciences humaines est au service de la société, elle tend de plus en plus à réunir les diversités en développant l’interdisciplinarité, mais semble aussi, selon le doyen de la FLSH, « se présenter comme une stratégie pour donner plus de visibilité à la recherche dans notre faculté. C’est dans cet esprit que le Conseil de faculté a pris la décision de créer un pôle recherche sciences humaines, regroupant les différents laboratoires et centres de recherche de la faculté tout en maintenant l’identité de chaque laboratoire. »

Des axes transversaux de recherche permettront aux chercheurs de mettre leur savoir de spécialiste en relation avec d’autres savoirs spécialisés et de se nourrir des apports extradisciplinaires.  Plusieurs thématiques ont été proposées comme le risque, le trauma et la vulnérabilité, la ville, l’environnement et le développement durable, le normal et le pathologique. « A travers ces thématiques, conclut Gannagé, les chercheurs persévèrent dans leur mission : s’intéresser de plus en plus au monde qui nous entoure, contribuer à l’avancement humain en même temps qu’au mieux-être individuel et collectif. »

De son côté, le vice-recteur à la recherche, Pr Dolla Karam Sarkis, a affirmé que la recherche en sciences humaines à l’USJ se porte plutôt bien grâce aux efforts et au sentiment d’appartenance des enseignants-chercheurs dans les différents domaines. D’innombrables axes et sujets de recherche, qui ont été mis en place ces dernières années, ont généré de nombreuses publications sur la parentalité, les traumatismes, les situations extrêmes, la sociologie de la famille et du genre, l’information, la communication et les médias numériques, le leadership, la gestion des ressources humaines, l’environnement, le développement durable, le patrimoine, la ville, le tourisme, les civilisations médiévales, le religion, la littérature, la culture numérique, l’éducation, la gouvernance, les recherches en terminologie et traductologie et la philosophie.

Au niveau de la recherche interdisciplinaire, Pr Dolla Karam Sarkis a précisé qu’ « il est évident que les recherches fondamentales sont irremplaçables, mais que l’expérience nous montre qu’il y a beaucoup d’intersections possibles entre les disciplines »,  et elle a évoqué son expérience personnelle à ce niveau en tant que microbiologiste, puisqu’elle a travaillé sur l’autisme avec des psychiatres et des psychologues, à travers le microbiote et les maladies neurologiques causées par le déséquilibre de ce dernier.

La recherche à l’aune du COVID et de l’explosion du port de Beyrouth

Dans le contexte de l’explosion du port de Beyrouth, la question que doivent se poser les chercheurs de l’université et plus spécialement ceux et celles de la FLSH, est selon le Pr Salim Daccache, la suivante : la recherche en sciences humaines peut-elle se faire de nos jours, sans prendre en considération l’explosion criminel et sans se pencher sur les effets de ce désastre ? L’équation est simple, affirme le recteur de l’USJ : si l’année 2020 était celle de l’expansion du COVID-19, elle sera toujours l’année de l’explosion du 4 août. « Dans le cadre de l’USJ, poursuit-il, qu’elle a été notre réponse à ce drame qui nous poursuit ? Evidemment, il y a eu dans l’immédiat, une réaction sur le plan humanitaire, une aide pour la reconstruction et pour le réconfort psychologique et la réponse massive au niveau médicale à l’Hôtel-Dieu de France. »

« Il y a eu aussi quelques travaux de recherche sur le plan médical, de l’ingénierie et des statistiques, précise le recteur, mais les chercheurs en sciences humaines et sociales, ont-ils été assez attentifs aux effets sociaux, ou simplement humains, du désastre ? Qu’elle a été et qu’elle serait, se demande-t-il, notre responsabilité morale et académique, pour contribuer par les études scientifiques à la prise en charge des effets et conséquences destructeurs de l’explosion sur les différents plans humains, sociaux, historiques et économiques ? Il s’agit aujourd’hui d’une opportunité qui nous est offerte pour se réengager par des projets qui marquent notre intérêt pour notre propre histoire, surtout celle qui nous fait mal. Se pencher sur ce mal perpétré contre toute une population, martèle le recteur, est un devoir de solidarité avec notre société. »

« Pour ne pas se limiter au sujet du drame de 4 août et ses conséquences, conclut Daccache, nous avons une multitude d’autres thèmes que l’on peut travailler : la crise sociale et financière libanaise et ses phénomènes sociaux et humains, la crise politique et la responsabilité des politiciens, le centenaire du Grand Liban et les 150 ans de l’USJ. »     

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