La loi sur la commande publique et le rôle des jeunes dans la promotion de la bonne gouvernance

Vendredi 15 mars 2024

L'Observatoire de la fonction publique et de la bonne gouvernance (OFP) de l'Université Saint-Joseph de Beyrouth (USJ), en partenariat avec AFDAL (The Advocacy Force for Development and Anti-Corruption in Lebanon), a organisé un séminaire intitulé : « La loi sur la commande publique et le rôle des jeunes dans la promotion de la bonne gouvernance », qui s'est tenu à l’amphithéâtre Gulbenkian du Campus des sciences sociales de l’USJ, rue Huvelin – Achrafieh.

La conférence a débuté par une session durant laquelle le Pr Pascal Monin, directeur de l’OFP, a pris la parole, mettant en avant que les achats publics représentent la majeure partie des dépenses publiques au Liban et constituent une porte d'entrée essentielle à la corruption et au gaspillage. Il a ajouté que la mise en place des réformes nécessaires dans ce domaine pourrait protéger les deniers publics et renforcer les fondements de la bonne gouvernance ainsi que ses principes.

Monin a également soulevé la question de savoir si « le problème réside dans les textes ou dans les mentalités qui considèrent les lois comme de simples obstacles à contourner ou à ignorer complètement, conduisant ainsi à une application partielle de l'une des lois réformatrices les plus importantes pour le Liban ».

Madame Anjie Chélala a souligné dans son discours que AFDAL rejette l'acceptation des comportements corrompus et insiste sur la nécessité de reconstruire les institutions défaillantes en adoptant des standards d'intégrité. Elle a mis l'accent sur l'expérience et les compétences des jeunes à mener un plaidoyer pour l'application des achats publics. Chélala a ainsi déclaré : Cette troisième phase de la stratégie nationale de lutte contre la corruption, spécifiquement axée sur le système des marchés publics moins exposé à la corruption, représente une feuille de route claire », soulignant la nécessité de finaliser la formation de l'Autorité des achats publics et la création de l'Autorité des réclamations, tout en appelant au dialogue pour surmonter les obstacles entravant la mise en œuvre des lois réformatrices.

Le Pr Salim Daccache, recteur de l'Université Saint-Joseph de Beyrouth, a souligné l'importance de soutenir l'engagement et le dévouement des jeunes en faveur de la réforme et de la lutte contre la corruption. Il a également insisté sur la nécessité de sensibiliser et de promouvoir la culture des principes de la loi sur les marchés publics, ainsi que de s'engager dans des initiatives telles que « AFDAL », sans aucun intérêt particulier ou sectaire. Il a ajouté : « Au Liban, nous devons dénoncer le favoritisme et l'impunité, en particulier en encourageant la nouvelle génération de jeunes à occuper des postes de responsabilité pour renforcer le mouvement réformiste. Nous devons considérer que cette loi a une valeur politique, car elle encouragera les jeunes à croire en l'État et à s'engager en son sein ». Pour le Recteur de l’USJ « Il est clair que l’une des lois qui aurait dû être révisée et mise en œuvre est la loi sur les marchés publics, car l’ancienne loi servait l’arbitraire et le détournement de fonds publics au profit des intérêts privés d’amis et de partenaires politiques, sans limites. »

Lors de la première session intitulée « Loi sur les marchés publics : perspectives et défis », Mme Serena Kaddoum, de AFDAL, a répondu à une question sur les raisons du choix de la question des marchés publics et des efforts pour assurer sa bonne mise en œuvre, soulignant la détermination du groupe à déployer tous les efforts possibles pour compléter le plan visant à définir les cadres de lutte contre la corruption. Elle a également abordé les défis fondamentaux posés sur la scène libanaise concernant les effets négatifs de la corruption sur les biens publics et sur la santé et l'existence humaines au Liban.

Pour sa part, le président de l'Autorité des marchés publics, le Dr Jean Allieh, a abordé les défis auxquels celle-ci est confrontée, notamment le problème de l'absence d'application effective des lois au Liban. Il a précisé que les perspectives résident dans la construction d'un État de droit et d'institutions, et que les défis résident dans la mentalité de ceux qui croient que leur poids politique leur permet de passer outre aux lois.

Le député Georges Okais a souligné la complémentarité des efforts de la jeunesse dans la lutte contre la corruption. Il a également mis en avant le rôle crucial d'un pouvoir judiciaire indépendant et intègre dans une bonne application des lois, ainsi que le rôle de la société civile dans la surveillance du système constitutionnel de construction de l'État. Il a noté que la révolution d'octobre 2019 a créé une dynamique au sein du Parlement pour adopter des lois réformatrices, notamment sur les marchés publics et la lutte contre la corruption. Cette session était animée par la journaliste Mahassen Moursel.

La deuxième session, intitulée « Le rôle des marchés publics dans la construction de l'État et la réalisation d'une gouvernance saine », a réuni Mme Karine Qardab de AFDAL, qui a souligné les conséquences d'une mauvaise gestion des finances publiques et l'importance de la réforme du système des marchés publics pour améliorer la qualité de l'éducation et de la communication, ainsi que pour favoriser la reconstruction. Elle a ajouté que la loi sur les marchés publics met l'accent sur la durabilité, la compétitivité et les normes éthiques, des principes en phase avec ceux du groupe de plaidoyer. Elle a également noté une augmentation de la participation des petites et moyennes entreprises aux processus d'achat public avec l'existence d'une plateforme électronique pour les marchés publics.

Du point de vue académique et juridique, M. Ghassan Moukheiber, ancien membre du Parlement, a souligné que le Liban se trouve dans la situation de non-État en raison de la corruption structurelle, et qu'il est impératif de le reconstruire. Il a mis en lumière le fait qu'en apparence, le pays dispose d'une constitution et d'institutions, mais en réalité, le système est dominé par quelques chefs qui exploitent le caractère sectaire et les fonds publics, qu'il a qualifiés de « fonds perdus ». Ce clientélisme mine les institutions et les utilise à des fins personnelles, sans efficacité. Selon lui, la corruption est le mode de gouvernance de l'État libanais. Pour étayer ses dires, il a souligné que la loi sur l'enrichissement illicite, en vigueur depuis 1953, n'a jamais été appliquée et que même lorsque des modifications ont été apportées, les déclarations de patrimoine à la Banque du Liban ont atteint un total de 74 000, sans que le contenu ne soit divulgué au fil des ans. Le crime d'enrichissement illicite n'étant pas puni, il considère donc que la loi est défaillante et non conforme aux textes existants, mais que le véritable problème réside dans son application.

Mme Lamia Moubayed, présidente l'Institut des Finances Basil Fuleihan, a précisé que pour les pauvres, l'État représente souvent le seul recours, étant donné qu'il rassemble tout le monde sous son toit. Elle a ajouté : « Nous avons opté pour un État fondé sur les communautés religieuses et les intérêts particuliers, au lieu d'opter pour un État fondé sur la citoyenneté », informant les participants des activités menées par l'Institut en vue de la préparation de la loi sur les marchés publics, en collaboration avec des experts nationaux et internationaux, ainsi que du début du processus de réforme des marchés publics il y a 15 ans. En se basant sur les données disponibles, elle a souligné que la loi n'a été promulguée qu'après d'importants efforts, en s'inspirant du modèle « UNCITRAL », reconnu à l'échelle internationale, et de l'enquête « MAPS » menée par l'Institut. Moubayed a également évoqué les outils disponibles pour lutter contre la corruption, soulignant le lien direct entre la corruption et la sécurité, surtout dans une région considérée comme une zone de conflit.

La session a été animée par le Dr Simon Kachar, directeur fondateur de l'Observatoire de la bonne gouvernance et de la citoyenneté à l'Université américaine de Beyrouth.

Le colloque s'est conclu par un cocktail au cours duquel les participants ont débattu de la nécessité de poursuivre le dialogue sur les moyens de sensibilisation pour lutter contre la corruption et mettre en œuvre les lois réformatrices en vue de la reconstruction du pays.