CONTINUONS A FAIRE ENSEMBLE NOTRE HISTOIRE...
Elle est là, la 150e année de l’existence de notre Université, la Saint-Joseph de Beyrouth. Nous l’accueillons avec la ferveur de la foi en sa mission et avec la détermination d’être au service de son histoire d’aujourd’hui et à venir. Je voudrais vous souhaiter à toutes et à tous, les partenaires de la mission, les étudiants dans leur ensemble, les enseignants, le personnel administratif et logistique, les Alumni les plus anciens et les plus jeunes, une année mise sous le sceau de l’espérance qui ouvre sur le renouveau des esprits et des cœurs, sur le succès de chacune et chacun et la réalisation des promesses d’un Liban plus énergique, plus sain et plus uni. Cette espérance a toujours fait partie du regard des fondateurs ; elle rappelle qu’il ne faut pas vivre seulement dans le souvenir tantôt heureux, tantôt malheureux, mais qu’il nous faut toujours croire dans la puissance de la Parole et de la Vie comme promesse et avenir, malgré les menaces de guerre et de la continuité des crises. Dans le contexte de ce retour sur notre mémoire vivante, je voudrais vous parler de quelques perspectives qui donnent à cette année si spéciale de notre existence comme Université, ici même au Liban et au Proche-Orient, une saveur si spéciale.
1. L’une des perspectives qui accompagnent l’histoire de l’Université est d’être au service de la promotion de l’État libanais, de son administration publique et de ses institutions constitutionnelles pour qu’ils soient, à leur tour, au service de leur peuple et surtout de leur jeunesse. Nous sommes conscients des déficits politiques et sociaux qui menacent l’existence de l’État. C’est pourquoi la mission citoyenne de l’USJ n’est pas une affaire de supplément. Elle est plutôt pour elle une plus-value car elle a donné et donne sens à son existence. Elle cherche par l’académique, par la parole libre et scientifique et par l’influence sociale, à participer à l’œuvre du salut de notre pays et à assumer la tâche de garder le sens de notre présence active sur cette terre. Célébrer les 150 ans de l’USJ nous interpelle : pour continuer à avoir notre place dans le Liban de demain, nous ne pouvons être des observateurs, mais des acteurs du salut. Les initiatives ne manquent pas (FDSP, ISP, FSR, Académie de la citoyenneté et bien d’autres). Le Centre Philippe Salem pour les études politiques sera un bon levier pour accélérer la mise en place d’une vision du Liban réformé de demain.
2. Par ailleurs, la solidarité a pris et prend une nouvelle perspective dans notre vision USJ du Liban d’aujourd’hui et de demain. Il est vrai que nous consacrons désormais plus de 25% de notre budget annuel pour aider les familles et les étudiants qui ont besoin de soutien pour effectuer leurs études, ce qui constitue un sacrifice important pour notre communauté. Au-delà de l’aide, notre tâche est d’aider la classe moyenne libanaise, cultivée, éclairée et compétente, dont l’Université a participé à la constitution durant plus d’un siècle et demi, à se refaire une santé et à reprendre sa place au cœur du Liban de demain. Autre fait majeur pour l’USJ d’aujourd’hui et de demain, c’est l’extension de son rayonnement académique (Dubaï et Côte d’Ivoire) ainsi que celle de son réseau hospitalier, avec l’appui majeur de l’Hôtel-Dieu de France (HDF). L’USJ prend ainsi sa responsabilité, même symbolique, d’appuyer des institutions hospitalières pour survivre dans la situation difficile de crise et, en même temps, de promouvoir ses services de soins de qualité.
3. De même, tenant compte d’une troisième perspective, et alors qu’elle célèbre son cent cinquantième anniversaire, l’USJ se trouve désormais aux portes de l’avenir qui, nous le savons, sera très différent, prête pour la prochaine phase de son évolution dans un monde numériquement transformé, d’une immense complexité et d’une rapidité de mutation fulgurante. Les bases sont là, du point de vue académique et institutionnel, et la volonté d’aller plus loin dans la transformation digitale dans l’administration interne de l’USJ et dans l’enseignement des technologies de pointe ; de même, le développement de programmes de l’intelligence artificielle intégrée dans l’académique et les sciences des données est une réalité à l’œuvre. Alors qu’elle fait ses premiers pas vers ses deux cents ans, l’USJ est confrontée à des enjeux importants dans ce domaine que nous ne pouvons regarder d’une manière marginale.
4. Toujours dans ces perspectives, nous savons, selon le témoignage de nos Alumni et de nos étudiants, que la formation à l’USJ et son diplôme demeurent l’une des meilleures options offertes à notre jeunesse libanaise. Nous en sommes fiers. Notre politique d’encouragement des accréditations des institutions et de l’Université elle-même a largement porté ses fruits. Les deux dernières, l’AACSB pour la USJ Business School et la Teptad pour la Faculté de médecine, en plus du renouvellement de l’ABET pour l’École supérieure d’ingénieurs de Beyrouth, indiquent que l’excellence est au rendez-vous. L’obtention du renouvellement de l’accréditation européenne ACQUIN pour l’ensemble de l’Université est une question de temps, tandis que la dynamique déjà engagée pour obtenir l’accréditation américaine WSCUC exige de la part de nous tous un effort à déployer car il s’agit d’une certaine conversion culturelle à faire, mais qui met l’Université dans le bon sens de l’internationalisation, tout en maintenant son appartenance au système des crédits européens du processus de Bologne. La mise en place de filières en langue anglaise se fait d’une manière déterminée afin d’accueillir les étudiants désireux de poursuivre leurs études dans une université jésuite.
5. Selon le plan fixé par le Haut Conseil et le Conseil de l’Université, et tenant compte de la crise financière qui a secoué notre pays, notre politique économique et financière a été établie dans le sens de l’acquis d’une stabilité financière, d’une part, et de l’alignement progressif du pouvoir d’achat sur la situation de 2019, d’autre part, sachant que le budget annuel repose essentiellement sur les rentrées provenant des scolarités et des aides pour les bourses et le développement de l’Université. Dans ce sens, il n’est pas dit que la crise est déjà classée, tant qu’une large part de la population continue à souffrir de l’impact des crises successives jusqu’à ce jour. Les grands chantiers qui s’achèvent, comme les bâtiments de la Faculté de médecine, l’hôpital de simulation, l’énergie photovoltaïque et bien d’autres au niveau de l’USJ et de l’Hôtel-Dieu de France, n’auraient pu être réalisés sans l’apport de grands donateurs qu’il sied de remercier pour leur grand cœur. Ceci nous incite à redoubler d’efforts au niveau de la Fondation USJ pour continuer à promouvoir la politique de collecte de fonds pour les innombrables besoins à venir de notre Alma Mater.
6. L’USJ s’est bien préparée pour l’avenir, ce qui signifie une grande volonté pour éliminer l’incertitude. Cela est vrai à la lumière des réalisations mentionnées ci-dessus, mais particulièrement dans le domaine de la transformation numérique où elle a été l’une des premières universités du pays en termes de développement de contenu, de méthodes de diffusion et de plateformes numériques, la crise du COVID l’attestant. L’Université est parée pour la suite du voyage et les nombreux défis qu’elle rencontrera en cours de route. Même si elle a doublé le nombre de ses étudiants en première année de licence depuis une dizaine d’années, elle demeure la « petite » université où les relations humaines de proximité sont de mise et où le soin apporté à chaque personne (cura personalis) est un devoir pédagogique. Cet esprit d’université à taille humaine nous a bien servi au fil des ans. Il a permis à l’USJ de rester une institution chaleureuse et soudée, dotée d’un code moral intact, d’une intégrité irréprochable et d’un sens aigu de la force morale. Cette grande qualité doit être préservée à tout prix.
7. Je ne peux évoquer les différents chantiers de l’USJ sans parler de son engagement dans le domaine de la santé, marqué par une reprise remarquable des activités de notre HDF, fondé en 1921, au service de la formation de générations de la Faculté de médecine et des autres institutions médicales. Il ne faut pas oublier que l’Hôpital est une institution rattachée à l’USJ et que nous sommes toutes et tous responsables de la belle tenue de sa mission. Ces dernières années ont été le témoin d’une mise à jour radicale de ses équipements au service du patient, mais aussi d’un renforcement de son fonctionnement institutionnel et des relations humaines, si stratégiques pour la bonne marche d’un hôpital de la taille de l’HDF. Il faudra saluer ici tous les corps médicaux et soignants qui participent à cette mission et leur montrer toute la gratitude qu’ils méritent. Ce souci de la prise en charge des soins du patient, alliée normalement à l’éducation, deux piliers civils de toute nation, et plus encore de notre Liban, s’est élargi aux deux hôpitaux Saint-Charles à Fayadieh et Monseigneur Cortbawi à Adma, et plus encore, à une gestion de plusieurs hôpitaux au Liban et à Bagdad. Un projet d’une Faculté de médecine USJ ouverte sur l’Europe à Chypre se dessine avec des partenaires locaux. Ces initiatives, même dans des conditions difficiles, placent l’USJ dans une dynamique d’opérateur principal dans le domaine porté par toute une communauté déterminée à réussir.
8. En regardant l’horizon que nous voulons de plus en plus rayonnant, la mission académique de la recherche scientifique n’est pas seulement une affaire de budget, qui est l’un des plus importants parmi ceux des universités du pays, mais une prise de conscience intra-muros collective, au niveau de chaque institution, et individuelle pour se donner le temps et l’énergie afin de produire et publier, ce dont nous sommes capables. La publication de recherches dans des revues indexées hautement compétitives, ainsi que la réactivation du rôle scientifique de notre hôpital, l’HDF, sont des devoirs qui peuvent rapidement répondre à nos attentes pour améliorer et reprendre notre présence en tant qu’université de recherche sur la scène nationale et internationale. Il s’agit là d’une exigence majeure à laquelle nous devrons faire face pour que notre empreinte soit à la hauteur de notre ambition, de nos objectifs de recherche et de notre profil ciblé sur les programmes d’études supérieures. Parallèlement, nous devrons améliorer considérablement notre position régionale en nous classant parmi les meilleurs, en nous dotant d’un puissant réseau de partenariats et d’alliances et, nous l’espérons, en étant physiquement présents dans la région.
Pour conclure, la tâche ne sera pas aisée compte tenu de l’intensification de la concurrence, de l’encombrement du terrain de jeu, de la pénurie des ressources et du niveau de soutien accordé à certaines universités nationales et régionales dont ne bénéficie pas l’USJ. Un plan minutieux sera nécessaire avec la participation active de toutes les parties prenantes de l’Université à tous les niveaux de décision. Le temps est un facteur essentiel dans le monde en évolution rapide dans lequel nous vivons, et nous ne disposons que de quelques années pour atteindre cet objectif.
150 ans est notre âge en cette année 2025. Si je peux résumer mon regard sur le passé et jusqu’à nos jours, je dirai que notre histoire est celle d’une lutte, d’un combat même, pour continuer la mission d’éduquer et de former ; nos ressources humaines, cette longue file d’éducateurs et d’administrateurs, de jésuites et de laïcs, d’hommes et de femmes, d’étudiants et d’anciens étudiants, ne cessant d’assumer un rôle majeur dans cette aventure passionnante pour construire et reconstruire notre pays, ainsi que l’homme et la femme de demain.
Je termine par la réflexion formulée par un Ancien sur son Université : « L’USJ est une université qui a su développer tout un patrimoine de valeurs d’équité et d’humanisme, d’excellence académique et d’esprit de combat pour le bien commun. Ne lâchez pas ce patrimoine, mais consolidez-le par un franc regard vers les promesses de l’avenir. Ainsi, toute personne travaillant ou étudiant à l’USJ peut se dire qu’elle est de l’USJ, car c’est par l’esprit d’appartenance que s’accomplit toute réussite ».
Menées par la passion et l’amour de bien être et bien faire, nos générations ont connu le succès pour être au service de la promotion de l’homme. C’est dans la passion que nous avancerons.
Pr Salim Daccache s.j.,
Recteur de l’Université Saint-Joseph de Beyrouth