Remise des archives de Michel Chiha à l’USJ

Vendredi 21 mars 2025

Dans le cadre du 150e anniversaire de l’Université Saint-Joseph de Beyrouth (USJ) et de sa Bibliothèque Orientale (BO), la Fondation Michel Chiha a remis officiellement les archives du célèbre homme politique, écrivain journaliste, banquier et père de la Constitution libanaise, Michel Chiha, à la BO. La cérémonie s’est tenue à l’Amphithéâtre Leïla Turqui de la Bibliothèque, en présence de membres de la Fondation et de proches de Michel Chiha.

Le recteur de l’USJ, le Pr Salim Daccache s.j., a salué ce geste symbolique et profondément significatif, soulignant qu’il s’agissait d’un « double honneur » pour l’Université : celui de recevoir un legs inestimable et celui d’honorer la mémoire de l’un de ses plus illustres anciens. Il a rappelé que Michel Chiha, « penseur visionnaire » et « artisan du Liban moderne », avait été formé entre les murs mêmes de l’USJ, où s’était forgée sa pensée politique et philosophique.

La donation de ces archives à la Bibliothèque Orientale, selon le Pr Daccache, ne constitue pas un simple dépôt, mais bien « un retour aux sources », une manière de réintégrer Michel Chiha dans le « cercle vivant de la pensée, de la transmission et du dialogue ». Il a cité les paroles du penseur : « Le Liban n’est pas un pays comme les autres. C’est une idée, une mission, un message. » Un message qui, dans les temps d’incertitude, résonne comme un appel à la responsabilité civique, à la protection de la diversité et à l’amour du pays.

Les documents remis – manuscrits, correspondances, articles, discours – témoignent, selon le recteur, d’une conscience libre et lucide, enracinée dans une vision du Liban fondée sur l’équilibre et la pluralité. « Le Liban repose sur un équilibre toujours fragile entre des diversités qui ne doivent jamais devenir des divisions », écrivait encore Chiha, dont les idées demeurent d’une brûlante actualité.

Le Pr Daccache a exprimé sa gratitude à la Fondation Michel Chiha pour ce « geste généreux » qui, selon lui, ne se limite pas à confier des documents à une institution, mais bien « une part de l’âme libanaise ». Il a également salué le travail des équipes de la Bibliothèque Orientale qui veilleront à la conservation et à la valorisation de ce fonds exceptionnel, affirmant que « la culture est ce qui reste quand tout vacille, et c’est elle qui sauvera le Liban », reprenant ainsi les mots mêmes de Chiha.

Cet acte de mémoire, dans une année de jubilé, incarne une promesse tournée vers l’avenir. Il rappelle le rôle fondamental de l’Université : non seulement transmettre des savoirs, mais aussi « former des consciences, entretenir l’esprit critique et nourrir l’espoir ».

Dr Claude Doumet Serhal, présidente de la Fondation Michel Chiha, a elle aussi exprimé une vive émotion à l’occasion de cette remise. Elle a souligné que ce geste représentait une étape essentielle dans la préservation du patrimoine intellectuel et culturel libanais. Selon elle, Michel Chiha, qualifié par Joseph Maila de « grammairien de la politique libanaise », reste une figure centrale de la pensée libanaise moderne. L’examen attentif des archives a révélé, a-t-elle confié, un amour profond du pays, omniprésent dans les écrits de Chiha.

Michel Chiha, poursuit Doumit Serhal, entretenait des liens étroits avec l’Université, le Collège et les pères jésuites. Elle a évoqué plusieurs témoignages de cette proximité, notamment un éditorial dans lequel Chiha portait un toast à la santé de l’USJ et du Grand Liban, ou encore une lettre de 1950 où il se remémorait avec affection ses années de collégien. Elle a également rappelé ses échanges avec le père Mouterde s.j., directeur de la BO, et sa participation à plusieurs événements solennels de l’Université.

La mise à disposition de ces archives, a-t-elle précisé, s’inscrit parfaitement dans la mission de la Fondation Michel Chiha, fondée en 1954, qui vise à diffuser la pensée de l’homme politique auprès des jeunes, notamment à travers le concours éponyme. Elle a souligné que leur consultation par les étudiants et chercheurs permettra de prolonger l’influence d’une pensée vivante et toujours pertinente.

En conclusion, elle a cité un passage émouvant de Michel Chiha, évoquant une lumière qu’il aimait laisser allumée dans son bureau : « L’important, c’est que derrière nous une lampe éclairée demeure ; parce que ce qui est derrière nous, c’est devant nous qu’il reparaît… une flamme derrière soi, c’est pour demain le jalon sur la route… » Un symbole fort du lien entre mémoire et avenir, que cette remise d’archives vient illustrer avec éclat.

M. Philippe Helou, membre de la Fondation Michel Chiha et petit-fils du penseur, a pris la parole pour rappeler la dimension profondément personnelle et historique de ce moment. Il a évoqué Michel Chiha non seulement comme une figure emblématique de la politique libanaise, un penseur, un philosophe et un poète, mais aussi comme un grand-père dont les idées modernes résonnent encore puissamment dans la mémoire collective.

Il a retracé le parcours politique de Michel Chiha, engagé dès 1925 et député de Beyrouth à seulement 34 ans. Secrétaire du comité de rédaction de la première Constitution libanaise de 1926, Chiha en rédigea une grande partie, y compris l’article limitant le mandat présidentiel à six ans non renouvelables. Ce texte, considéré comme tutélaire, devait, selon lui, rester intact afin de préserver la stabilité et l’intégrité des institutions.

Son attachement au respect de la Constitution s’est notamment illustré en 1948, lorsque Michel Chiha s’opposa publiquement à toute tentative de révision en vue de la réélection de son beau-frère, le président Béchara el-Khoury. M. Helou a cité des extraits de la lettre adressée par Chiha au président le 6 avril 1948, où il affirmait qu’« on ne légifère pas seulement pour soi, mais pour après soi et pour d’autres que soi », mettant en garde contre « un précédent redoutable » qui, entre les mains « d’un autre président ambitieux et sans scrupules », pourrait ébranler le pays.

Cette opposition politique devint aussi une épreuve personnelle. Michel Chiha, fidèle à ses principes, plaça le respect des institutions au-dessus des liens familiaux. Deux lettres échangées en avril 1948, l’une analytique, l’autre plus dure et personnelle, marquèrent une rupture irréversible entre les deux hommes, qui ne se revirent jamais.

M. Helou a confié que ces lettres, longtemps restées sous clé après le décès de Marguerite Chiha en 1996, avaient été découvertes dans une pièce fermée pendant près de 50 ans. Elles sont aujourd’hui publiées, apportant un éclairage inédit sur la rigueur morale de Michel Chiha et son idée exigeante de la fonction publique.

En conclusion, M. Helou a invité l’assistance à « regarder le Liban à travers les yeux et la pensée de Michel Chiha », rappelant que ses idées, fondées sur l’exemplarité, le crédit moral et le devoir, demeurent d’une brûlante actualité. Il a exprimé, au nom de sa famille, sa profonde gratitude envers l’Université Saint-Joseph de Beyrouth, la Bibliothèque Orientale et la Fondation Michel Chiha, qui, par ce geste, reconnaissent la valeur historique de ces écrits et rendent hommage à la mémoire de son aïeul.

Le Dr Joseph Rustom, directeur de la Bibliothèque Orientale, a exprimé sa profonde gratitude à la Fondation Michel Chiha et à sa présidente pour la confiance accordée à l’institution en lui confiant la conservation de ce fonds exceptionnel. Il a souligné que cet acte engage la Bibliothèque Orientale à faire rayonner ces archives, notamment auprès des jeunes Libanaises et Libanais, afin qu’ils puissent s’approprier la pensée de Michel Chiha pour mieux comprendre les étapes déterminantes de l’histoire de leur pays.

Selon lui, les écrits de Chiha conservent une portée d’une « actualité lancinante », non seulement pour le Liban, mais également pour la Palestine, le monde arabe, la France et l’Europe.

Dr Rustom a rappelé avec émotion l’image chère à Michel Chiha, mentionnée plus haut par Dr Claude Doumet Serhal, celle d’une lumière laissée allumée dans la pièce où il travaillait, comme symbole d’une pensée toujours vivante. Ces paroles, a-t-il affirmé, résonnent profondément avec la mission de la BO : faire en sorte que cette lumière continue de briller, perpétuant l’héritage intellectuel de Michel Chiha et inspirant les générations futures.

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