À la découverte du mégalithisme : conférence et exposition à l’USJ

Vendredi 30 mai 2025

L’amphithéâtre Leïla Turqui de la Bibliothèque Orientale (BO) de l’Université Saint-Joseph de Beyrouth (USJ) a accueilli la conférence intitulée « Le mégalithisme dans le monde : architectures pour les morts, marqueurs pour les vivants », donnée par Dr Tara Steimer-Herbet. Cette rencontre a marqué le lancement de l’exposition « Mégalithes d’ici, mégalithes d’ailleurs », présentée dans la salle d’exposition de la BO, en présence de nombreuses personnalités du monde diplomatique, académique et patrimonial, ainsi que d’un large public.

La conférence et l’exposition, organisées par le Musée de Préhistoire libanaise (MPL) et la BO, et financées par l’ambassade de Suisse pour le Liban et la Syrie, s’inscrivent dans le cadre des célébrations du 150e anniversaire de l’USJ, et ont réuni notamment M. Vincent Pasquier, chargé d’affaires à l’ambassade de Suisse pour le Liban et la Syrie, représentant l’ambassadrice Marion Weichelt; Mme Alia Chucri, attachée culturelle auprès de la même ambassade; M. Sarkis el-Khoury, directeur général des Antiquités du Liban, ainsi que les professeures Marie Besse et Tara Steimer-Herbet de l’Université de Genève. Étaient également présents le Vice-recteur aux relations internationales de l’USJ, le Pr Carla Eddé ; le doyen de la Faculté des lettres et des sciences humaines, le Pr Myrna Gannagé; la directrice du MPL, le Dr Maya Haïdar-Boustani ; le maire de Menjez (Akkar), M. Georges Youssef, et le directeur de la BO, le Dr Joseph Rustom.

Dans son mot d’accueil, le Dr Rustom a rappelé avec émotion que l’exposition est un motif de fierté malgré les nombreuses difficultés auxquelles le pays fait face. Il a souligné que cette initiative, fruit d’une étroite collaboration entre le MPL et l’Université de Genève, témoigne d’une « ténacité admirable » des chercheurs, saluant « le courage, la sagesse et la patience » de tous les partenaires, notamment libanais, confrontés à des conditions particulièrement ardues. S’appuyant sur une citation du Recteur de l’USJ, Rustom a rappelé que l’Université « demeure debout », malgré les crises. À ce titre, les mégalithes de Menjez deviennent, selon lui, des symboles puissants de cette solidité, « de fierté et d’endurance ».

L’exposition, poursuit Rustom, rend également hommage à la recherche pionnière des pères jésuites, et en particulier au père Maurice Tallon, dont les carnets et le fonds photographique de plus de 40 000 clichés sont conservés à la BO. « Une œuvre réalisée avec des moyens bien plus limités que ceux dont disposent les chercheurs aujourd’hui », a-t-il observé, mais qui constitue un « héritage précieux que nous continuerons à célébrer ».

De son côté, la Dr Maya Haïdar-Boustani a rappelé que l’exposition aurait dû voir le jour bien plus tôt, mais qu’elle avait été reportée à plusieurs reprises. C’est donc avec une joie profonde qu’elle a déclaré pouvoir enfin la partager avec le public. Elle a évoqué la puissance d’évocation du mot « mégalithe », qui convoque dans l’imaginaire collectif des sites emblématiques tels que Stonehenge ou Hajar el Hibla à Baalbek. Elle a insisté sur le fait que le mégalithisme est un phénomène mondial, aux manifestations multiples, mais que ce sont les sociétés qui ont érigé ces monuments qui intéressent avant tout les archéologues. Car, a-t-elle rappelé, « l’archéologie s’attache d’abord à l’humain : aux gestes, aux croyances, aux savoir-faire et aux mémoires enfouies dans les sols ».

Au Liban, poursuit-elle, si les mégalithes sont présents dans plusieurs régions, c’est à Menjez, dans le Akkar, que leur concentration est la plus remarquable. La directrice du MPL a tenu à souligner l’importance du travail effectué dès les années 1950 par le père Maurice Tallon, dont les découvertes sont aujourd’hui conservées au MPL. Une sélection inédite de ces objets est exposée pour la première fois à la BO, tandis que des répliques, réalisées dans le cadre d’un projet de valorisation, ont été installées à la Maison du Patrimoine de Menjez.

Elle a salué cette initiative collective menée entre 2018 et 2019, fruit d’un partenariat entre le Laboratoire de l’Université de Genève, la municipalité de Menjez, le MPL et le Château-Musée de Préhistoire de Bélesta en France. Grâce à ce travail, a-t-elle souligné, « les habitants et les visiteurs peuvent désormais s’approprier une part essentielle de notre patrimoine libanais ».

Prenant la parole à son tour, M. Vincent Pasquier a salué cette exposition comme un exemple remarquable de collaboration entre la Suisse et le Liban, une illustration concrète des liens bilatéraux que l’ambassade s’attache à promouvoir, qu’ils soient politiques, économiques ou culturels. Il a souligné la richesse de la coopération entre deux institutions d’excellence, l’USJ et l’Université de Genève, via le MPL.

Il a particulièrement insisté sur l’importance des fouilles menées à Menjez depuis 2017, et a exprimé sa joie de voir les Prs Marie Besse et Tara Steimer-Herbet venues de Genève pour partager leurs travaux. Se disant ému de voir son alma mater aussi présente au Liban, lui qui est genevois et diplômé de l’Université de Genève, il a qualifié cette collaboration entre deux « universités-phare » de très valorisante, tant elle permet de tisser des liens dans un domaine où « science, culture et histoire se mêlent au plus haut niveau ».

Enfin, il a partagé sa fascination pour le sujet même de la conférence, soulignant que si le mégalithisme interpelle tant, c’est parce qu’il renvoie à une question essentielle : pourquoi et comment des sociétés si anciennes ont-elles mobilisé tant d’énergie pour ériger ces structures monumentales ? En tant que diplomate œuvrant dans un monde divisé par les frontières, les religions et les inégalités, il a trouvé saisissant de constater que, déjà il y a des millénaires, des sociétés géographiquement éloignées — du bassin genevois au Akkar — ont développé des rites funéraires comparables. Pour lui, ces similarités nous rappellent les racines communes de l’humanité.

Le Pr Marie Besse, directrice du Laboratoire d'archéologie préhistorique et anthropologique de l'Université de Genève, a souligné de son côté que les monuments de pierre, érigés il y a plusieurs millénaires sur tous les continents, constituent un langage universel qui témoigne de la volonté des sociétés humaines de bâtir, de relier, de transmettre et d’honorer leurs morts, créant ainsi des liens entre les générations. Elle a expliqué que l’exposition, créée à l’université de Genève, résulte d’un effort collectif, notamment grâce à la collaboration de sa collègue Tara Steimer-Herbet, à l’initiative du projet, ainsi qu’au travail des étudiants en archéologie préhistorique. Elle a rappelé que cette démarche s’inscrit dans la mission de l’université : enseigner, mener des recherches et transmettre les connaissances à la population.

Marie Besse a également exprimé sa gratitude envers les institutions partenaires, musées, chercheurs et universités issus de divers pays, soulignant que la mise en commun des savoirs et l’ouverture à l’autre donnent tout leur sens à cette initiative. Elle a insisté sur le contexte difficile marqué par la guerre et les violences, mais a rappelé que la connaissance, la culture et la collaboration entre nations sont des actes de paix. Elle a conclu en évoquant l’importance de rassembler des étudiants de différentes origines pour créer un espace de dialogue serein, propice à la paix et à de futures collaborations, dans une démarche à la fois scientifique, patrimoniale et humaine.

Le Pr Salim Daccache s.j., Recteur de l’USJ, a souligné, à travers son mot, lu par le Dr Haïdar-Boustani, que la coopération entre l’USJ et les institutions universitaires suisses, ainsi que l’ambassade de Suisse pour le Liban et la Syrie, est particulièrement fructueuse. Ces partenariats, qui impliquent des universités prestigieuses comme celles de Genève, Lausanne, Fribourg et Zurich, ainsi que des institutions internationales comme l’OMPI, Terre des Hommes Lausanne et le CERN, enrichissent des domaines variés tels que les sciences, la santé et les sciences sociales et politiques.

Dans le domaine du patrimoine, le Recteur rappelle que l’USJ a renforcé son engagement depuis 2017, notamment à travers l’exposition « Archives des sables, de Palmyre à Carthage », qui a mis en lumière les travaux du pionnier de l’archéologie aérienne, le père Antoine Poidebard s.j. Cette exposition, organisée en collaboration avec des institutions suisses, a permis de valoriser les archives photographiques et a donné lieu à une publication retraçant son héritage. Par ailleurs, l’USJ a salué l’initiative de l’Institut suisse pour la conservation de la photographie, qui a contribué à la création de la Photothèque de la BO.

L’USJ, poursuit le Recteur, à travers des figures emblématiques comme le père Godefroy Zumoffen, fondateur de l’archéologie préhistorique au Liban, a toujours été profondément engagée dans la conservation et la valorisation du patrimoine. La BO, rattachée à l’USJ depuis 150 ans, est un lieu majeur pour la préservation du patrimoine écrit et iconographique du Liban, collaborant avec de nombreux partenaires internationaux. De même, le MPL, qui conserve des archives archéologiques remontant au XIXe siècle, est devenu un lieu de référence pour les préhistoriens et le public. Ainsi, conclut Daccache : « l’USJ est plus qu’un établissement d’enseignement supérieur. C’est un lieu de mémoire, un espace de culture, un acteur de l’histoire du Liban ».

En conclusion de cette soirée d’exception, la conférence « Le mégalithisme dans le monde : architectures pour les morts, marqueurs pour les vivants », animée par le Dr Tara Steimer-Herbet, a permis de replacer le mégalithisme dans une perspective à la fois scientifique et humaine, soulignant l’universalité de ces monuments et les questionnements qu’ils suscitent encore aujourd’hui. Visible jusqu’au 28 juin dans la salle d’exposition de la BO, l’exposition « Mégalithes d’ici, mégalithes d’ailleurs » a été officiellement inaugurée à l’issue de la conférence, en présence d’un large public.

Consultez l'album photos