L’USJ et Laudato Si’ : foi, écologie et responsabilité partagée

L’USJ et Laudato Si’ : foi, écologie et responsabilité partagée

Juillet 2025

 

Dans un contexte mondial marqué par l’urgence écologique, l’Université Saint-Joseph de Beyrouth (USJ) s’est distinguée ces dernières années par son engagement en faveur de l’écologie intégrale, en rejoignant dès 2022 la Laudato Si’ Action Platform (LSAP) initiée par le Vatican. Ce choix ambitieux, qui résonne avec la tradition jésuite de l’université, s’est matérialisé par un plan d’action concret, une dynamique collective et récemment par une reconnaissance officielle.

Pour mieux comprendre la portée de cette démarche et les convictions qui l’animent, La Quinzaine a rencontré Nada Mallah Boustani, professeure à la Faculté de gestion et de management de l’USJ, et point de contact officiel de l’USJ auprès du Dicastère pour le Développement Humain Intégral. Au fil de cet entretien, elle revient sur la genèse de l’engagement Laudato Si’, ses enjeux spirituels et éducatifs, et sur la responsabilité particulière d’une université au Liban, pays confronté à des crises multiples, d’oser faire de l’écologie intégrale une priorité.

Propos recueillis par Roger Haddad

Qu’est-ce que l’écologie intégrale ?

L’écologie intégrale est une approche globale et profondément humaine de la crise écologique. Elle ne se limite pas à la protection de l’environnement, mais considère les interactions entre les dimensions environnementale, sociale, économique, culturelle et spirituelle. L’encyclique Laudato Si’ du pape François nous rappelle que « tout est lié » et que le cri de la terre est inséparable du cri des pauvres. Cette approche appelle à une conversion personnelle et collective : changer nos manières de penser, de consommer, de produire, et surtout de vivre ensemble, dans un esprit de justice, de sobriété et de fraternité. C’est aussi une réponse concrète aux enjeux de notre temps où la crise écologique est étroitement liée à des souffrances sociales et économiques profondes.

Qu’est-ce que la Laudato Si’ Action Platform ?

La LSAP est une initiative lancée officiellement par le Dicastère pour le Service du Développement Humain Intégral du Vatican, alors dirigé par le Cardinal Peter Turkson, en septembre 2021. Elle vise à engager tous les acteurs, institutions catholiques, familles, communautés et entreprises, dans une démarche structurée de transition écologique. Elle repose sur sept objectifs interconnectés, parmi lesquels : la réponse au cri de la Terre, la réponse au cri des pauvres, l’adoption de modes de vie durables, l’éducation écologique, la spiritualité écologique, l’économie écologique et la résilience communautaire. Cette plateforme propose non seulement des lignes directrices, mais aussi un espace de collaboration mondiale, de témoignage et de suivi dans le temps.

Qu’est-ce que l’engagement Laudato Si’ ?

L’engagement LS est un acte volontaire et public par lequel une institution déclare son entrée dans le processus de conversion écologique proposé par la plateforme. Cet engagement a été officiellement formulé à l’USJ le 21 février 2022, à travers une lettre signée par le Recteur, le Pr Salim Daccache s.j., adressée au Dicastère pour le Développement Humain Intégral. Dans cette lettre, notre université reconnaît l’urgence de la crise écologique et s’engage à mettre en œuvre des actions concrètes dans la formation, la gouvernance, la recherche et la vie quotidienne. C’est en quelques sortes une manière d’ancrer encore plus l’écologie intégrale dans notre mission éducative et nos valeurs jésuites.

Quelles ont été les motivations initiales du Recteur, le Pr Salim Daccache s.j. ?

Le contexte libanais en 2022, marqué par des crises multiples a sans doute renforcé le sens de l’urgence. Le Père Recteur a souhaité, par ce geste, inscrire l’USJ dans une dynamique mondiale de responsabilité et d’espérance, en rejoignant la première cohorte d’universités engagées. Cet engagement exprime la conviction que l’Université, fidèle à la tradition jésuite, doit être à la fois un lieu de réflexion éthique et un acteur de transformation concrète. Il s’agissait aussi d’envoyer un signal fort : malgré la crise, l’USJ choisit de s’engager pour un avenir plus juste et plus durable.

Que représente la reconnaissance officielle par la LSAP ?

La reconnaissance reçue en juin 2025 sous forme d’un certificat officiel de la LSAP est un moment fort pour notre université. Elle témoigne du sérieux et de la cohérence de notre démarche : mise en place d’un plan d’action, création d’une commission développement durable et écologie intégrale, intégration de thématiques se rapportant à l’écologie dans l’enseignement et dans les formations internes, ainsi que la mobilisation et la sensibilisation de la communauté universitaire. Ce certificat nous inscrit dans une communauté mondiale d’institutions catholiques engagées, et vient honorer les efforts de toute notre communauté, des gestes les plus petits aux plus grandes initiatives. Cette reconnaissance prend un sens particulier alors que nous célébrons les 150 ans de l’USJ, comme un signe que notre héritage est vivant et bien tourné vers les générations futures.

Quel a été votre rôle en tant que point de contact avec le Dicastère ?

En février 2022, le Père Recteur m’a confié la mission de point de contact officiel avec le Dicastère pour le Développement Humain Intégral. Cette fonction me tient vraiment à cœur, du fait de mes engagements environnementaux et sociaux à travers des associations libanaises et internationales, en plus de mes études doctorales axées sur la théologie écologique à la FSR. J’avais plusieurs tâches à accomplir, notamment faire le lien entre notre université et la plateforme, organiser les étapes, coordonner certaines initiatives, assister à toutes les rencontres organisées par le Laudato Si’ Movement et représenter l’USJ dans les échanges avec le Dicastère. J’ai également participé à l’élaboration d’un plan d’action de la FSR, à l’animation de formations internes et à la création de la Commission Développement Durable et Écologie Intégrale. C’est un rôle que j’ai assumé avec responsabilité et gratitude, car il m’a permis de porter une vision que je crois profondément juste et nécessaire pour notre université et pour notre Liban.

Comment les facultés, centres et commissions de l’USJ ont-ils été impliqués ?

L’engagement Laudato Si’ s’est traduit progressivement dans les différents pôles de l’université. La Faculté des sciences religieuses (FSR) a été l’une des premières à introduire des unités d’enseignement consacrées à l’écologie intégrale. Le Centre de formation professionnelle (CFP) a mis en place, dès 2025, des formations continues pour les membres du personnel. En parallèle, la Commission Développement Durable et Écologie Intégrale, créée en septembre 2024, a permis de suivre les progrès et de créer une dynamique collective.

Qu’est-ce qui vous a personnellement marquée dans cette aventure ?

Cette aventure, je l’appellerais plutôt « la journée de sept ans avec le pape François » ; c’est un voyage et une action spirituels pour moi ! Évidemment, c’est un domaine qui, à première vue, paraît éloigné de ma formation initiale en finance, mais depuis 2018, je me suis tournée vers les sciences religieuses, et c’est la théologie de l’environnement qui vient compléter ma vision de l’héritage que je laisserai d’abord à mes enfants, à mes étudiants, aux autres, ainsi que ma responsabilité envers la Création. Je dirais que le plus marquant est peut-être la résonance entre l’appel de l’Église et les besoins réels de notre société libanaise. Travailler sur l’écologie intégrale dans un pays en crise comporte sûrement énormément de limites, mais aussi des ressources insoupçonnées : la solidarité, la foi, l’énergie et le potentiel des jeunes, la résilience des Libanais. C’est un engagement qui m’a transformée personnellement : il a uni mes convictions spirituelles, académiques et citoyennes. J’espère et je prie pour la naissance d’un espace de dialogue entre disciplines, entre générations, et entre l’université et la société civile, surtout dans cette lignée.

Quels sont vos souhaits pour l’avenir de l’engagement écologique à l’USJ ?

Je souhaite que l’écologie intégrale devienne un axe transversal de transformation à l’USJ, au même titre que l’excellence académique ou l’engagement social. Qu’elle irrigue la pédagogie, la recherche, les infrastructures et les partenariats. Je rêve de campus plus durables et d’un esprit de discernement écologique dans nos choix quotidiens. Et surtout, je souhaite que les étudiants, nos étudiants, soient les porteurs de ce flambeau et qu’ils trouvent à l’USJ un lieu qui les forme à la responsabilité et à l’espérance.