Cette statue appartenait à la collection Ford, du nom du révérend père Georges Ford qui, en 1901, mit au jour à Sidon vingt-cinq sarcophages anthropoïdes, ainsi que des fragments de chapiteaux en marbre et plusieurs statues, dont celle-ci.
Il s’agit de la représentation d’un homme au style égyptisant, dont la tête, les jambes et une partie des bras sont manquantes. Présenté de face, avec des épaules larges, il est vêtu d’une blouse à manches courtes décorée, au-dessus de la ceinture, de motifs de palmettes et de fleurs de papyrus. Il porte un pagne strié, le chendjit, sur lequel subsistent des traces de peinture rouge. Sur la partie avant du pagne, les plis stylisés sont encadrés de manière symétrique par deux uraei, cobras femelles symbolisant la protection du pharaon. Le torse est orné d’un pectoral égyptien de type usekh, composé de quatre bandes décoratives : la plus large est constituée de motifs en forme de larme, surmontée d’une bande de triangles. Vient ensuite une frise de fleurs de paradis (ou poincillade), puis, au plus près du cou, une dernière bande représentant une succession de fruits identifiés comme des Mandragora autumnalis.[1]. Bien que tous ces motifs soient typiques de l’art égyptien, le bracelet qu’il porte au bras droit relève, pour sa part, de l’art assyrien. Ce bijou à double lanière encadre un motif floral se terminant par deux têtes de félins. La rosace en son centre, fréquemment représentée dans l’art assyrien, est un symbole de protection couramment utilisé. Cette statue, à l’instar d’autres découvertes d’Oumm el-Amed provenant d’un contexte cultuel, témoigne de la dynamique des échanges culturels et de la construction d’une imagerie hybride caractéristique de l’art phénicien. Elle intègre des éléments iconographiques empruntés aux répertoires égyptien, assyrien et achéménide, reflétant les influences multiples qui ont marqué la région entre les VIIᵉ et Vᵉ siècles av. J.-C.
Ce métissage stylistique reflète non seulement l’ouverture du monde phénicien aux apports extérieurs, mais aussi sa capacité à les réinterpréter dans un cadre cultuel propre, témoignant ainsi d’une identité artistique singulière.
[1] Claude Doumet Serhal, “Male Statue”, in Assyria to Iberia at the Dawn of Classical Age, eds. J. Aruz, S. Graff, Y. Rakiz, 2014, p. 138-139.
Bibliographie : C. Doumet Serhal et al., Pierres et Croyances : 100 objets sculptés des antiquités du Liban, 1990, p. 54-55, no.26 ; C. Doumet Serhal, “Male Statue”, in Assyria to Iberia at the Dawn of Classical Age, Eds. J. Aruz, S. Graff, Y. Rakiz, 2014, p. 138-139 ; A.-M. Maïla Afeiche, Le Guide du Musée national de Beyrouth, 2020, p. 40-41.