Cérémonie de remise de la 2nde partie des archives de la romancière libanaise Emily Nasrallah à la Bibliothèque orientale de l’USJ

Lundi 7 juillet 2025

La Bibliothèque orientale (B.O) de l’Université Saint-Joseph de Beyrouth a organisé une cérémonie solennelle pour la remise de la seconde partie des archives de la romancière libanaise Emily Nasrallah qui avait elle-même choisi, de son vivant, de confier son œuvre littéraire à cette prestigieuse institution. La cérémonie a eu lieu en la présence du Recteur de l’USJ, le Pr Salim Daccache s.j., de la directrice de la Fondation USJ Mme Cynthia Ghobril Andréa, du directeur de la B.O, le Dr Joseph Rustom, de la fille de la romancière et Présidente de l’association Beit Touyour Ayloul Mme Maha Nasrallah, de l’éditeur des œuvres d’Emily Nasrallah M. Antoine Naufal, et du Pr Zahida Darwish Jabbour.  L’événement, qui s’est tenu dans l’amphithéâtre Leïla Turqui de la BO, a rassemblé la famille d’Emily Nasrallah, ses amis, ainsi que de nombreuses personnalités du monde littéraire, universitaire et médiatique, tous réunis par l’estime et l’affection qu’ils lui portaient. Emily Nasrallah, dont l’œuvre a marqué la mémoire collective libanaise et arabe revenait ce soir-là, non comme une figure du passé, mais comme une présence vibrante, vivante à travers un fonds d’archives extraordinaire.

Ce fonds se distingue par sa richesse et sa diversité : il comprend des correspondances privées et officielles, des manuscrits publiés et inédits, des articles de presse, la bibliothèque personnelle de l’écrivaine, de rares photographies retraçant les étapes de sa vie, ainsi que des enregistrements radiophoniques et de télévision, et de nombreux documents témoignant de son parcours créatif. Cette remise d’archives de cette grande écrivaine vient consacrer la BO comme le lieu gardien de sa mémoire, un espace ouvert à toutes les générations désireuses de puiser dans son héritage intellectuel et spirituel.

Mlle Cloé Barcha, médiatrice culturelle à la BO, s’est chargée de la présentation de la soirée, tandis que la journaliste Nada Eid a animé une conversation en direct entre M. Antoine Naufal et le Pr Zahida Darwish Jabbour, autour de l’œuvre et de la personnalité singulière d’Emily Nasrallah. Un témoignage enregistré très émouvant a également été diffusé, porté par la voix du frère de l’écrivaine, M. Labeeb Abi Rached. Deux des petites-filles d’Emily Nasrallah, Nour et Reda Kays, ont lu avec émotion une sélection de lettres personnelles de leur grand-mère. Un autre témoignage enregistré de Noël Keserwany, réalisatrice d’un court-métrage inspiré d’un enregistrement vocal de l’écrivaine, est également venu enrichir la soirée. Celle-ci s’est conclue par la projection du documentaire Le Retour des oiseaux de septembre, de la réalisatrice Carol Mansour, en sa présence, ajoutant une profondeur visuelle saisissante à ce moment d’émotion.

La cérémonie a été ponctuée de prises de parole profondément touchantes : celles du Pr Salim Daccache s.j., du Dr Joseph Rustom, de Mme Maha Nasrallah, de M.Antoine Naufal, et du Pr Zahida Darwish Jabbour.

Le Pr Salim Daccache s.j. a exprimé sa reconnaissance envers la famille de la romancière pour ce geste de fidélité envers la mémoire culturelle, en ces termes : « Nous retrouvons la voix d’Emily Nasrallah, que nous avions déjà honorée le 15 septembre 2015, jour où elle avait remis à la Bibliothèque orientale la première partie de ses archives,  Aujourd’hui, nous recevons la seconde partie de ce fonds : plus de 35 manuscrits, 142 lettres privées, 448 lettres publiques, des journaux manuscrits couvrant 25 années, 8 ouvrages annotés et corrigés, ainsi que sa bibliothèque personnelle. » Le Pr Daccache a souligné que cet ensemble constitue une contribution précieuse à la mémoire littéraire libanaise et arabe. Il a ajouté :« Emily Nasrallah n’entre pas dans un musée ; elle revient parmi nous, vivante à travers ses mots et ses livres. ». Il a conclu :« Il ne s’agit pas simplement de documents d’archives, mais du reflet d’une âme immortelle. »

Dans son mot Dr Joseph Rustom a affirmé que la BO aspire aujourd’hui à devenir « la maison de la voix d’Emily ». Il a remercié la famille Nasrallah, l’association « Beit Touyour Ayloul » et le Khayrallah Center de l’Université de Caroline du Nord, saluant aussi le rôle de l’équipe de la bibliothèque et de toutes les personnes ayant contribué à la réception de ce précieux legs. Il a conclu :« Nous travaillerons ensemble pour que ce lieu devienne un espace de mémoire, d’écriture et d’avenir. Une maison où les histoires se tissent, où la mémoire se brode, et où la voix se préserve. »

Mme Maha Nasrallah a évoqué le moment où sa mère, en septembre 2015, se tenait dans la BO pour y déposer des milliers de manuscrits. Elle avait alors déclaré :« Mon choix de faire don de mes manuscrits à la BO n’était rien d’autre qu’une manière de rendre hommage... Un pays qui fait vivre des institutions de savoir et de connaissance, comme votre université, ne pliera jamais face aux tempêtes. » et de continuer :« Les paroles de ma mère prennent aujourd’hui une résonance encore plus forte, au regard de tout ce que le Liban a traversé. Après sa disparition, nous avons découvert un autre trésor d’archives qui méritait d’être partagé. » Et d’ajouter :« Mes frères et moi poursuivons aujourd’hui sa mission et remercions le Pr Daccache pour avoir accueilli ce précieux legs littéraire. » Mme Nasrallah a exprimé sa reconnaissance envers toutes les personnes ayant contribué à la préservation de ce patrimoine, et particulièrement :« Je remercie le Dr Joseph Rustom pour sa vision éclairée et son accompagnement constant, ainsi que toute l’équipe de la BO ».

Antoine Naufal, a évoqué les débuts, après le succès de Les Oiseaux de septembre chez Al-Machreq :« Ce n’est pas nous qui l’avons révélée. Comme le répétait souvent mon père : Elle est déjà lancée. » Il a décrit son professionnalisme :« Elle apportait ses textes achevés, soigneusement corrigés, et nous ne changions jamais un mot. Ce qui l’importait, c’était l’âme du texte, jamais sa valeur marchande. » Il a souligné la diversité de son œuvre Et de conclure :« Ses mots sur Beyrouth résonnent comme une autobiographie condensée : une ville fière qui lui a redonné cette tendresse profonde que seules les mères peuvent offrir. »

Pr Zahida Darwish Jabbour a évoqué sa première rencontre avec Emily Nasrallah :« Il est rare que l’image que l’on se fait d’un écrivain corresponde à la réalité. Pourtant, lorsque je l’ai rencontrée, elle était telle que je l’avais imaginée : délicate et sincère. C’est cela, sans doute, qui explique le lien si fort qu’elle a su tisser avec les lecteurs qu’ils soient jeunes ou adultes. Ses romans ne sont pas seulement des témoignages littéraires : ce sont des documents vivants de la mémoire villageoise et du patrimoine libanais. » Elle a salué sa capacité à toucher les adolescents et les enfants et conclu en ces termes :« Emily Nasrallah Son absence ne fait qu’accroître sa présence. Son testament littéraire reste une boussole »

Au cœur de Beyrouth, entre les murs de la Bibliothèque orientale, Emily Nasrallah restera vivante, non seulement dans ses livres, mais dans les âmes qui les lisent, En léguant ses archives à ce lieu, elle n’a pas clos un parcours, elle a enfoncé plus profondément ses racines.

De la Bibliothèque orientale, ses récits s’envoleront de nouveau très haut !