Colloque « Le droit face aux sociétés multiculturelles »

Le thème du colloque s'est tenu les 1er et 2 octobre 2015 à la Faculté de droit et des sciences politiques
Du jeudi 1 au vendredi 2 octobre 2015
Campus des sciences sociales

Le thème du colloque, organisé à l'occasion des 140 ans de l'Université, s’est tenu les 1er et 2 octobre 2015 à la Faculté de droit et des sciences politiques (FDSP) de l'USJ portait sur le multculturalisme, très répandu dans nos sociétés contemporaines. Les réponses juridiques qui lui sont apportées ne contribuent point à apaiser les difficultés inhérentes à l’organisation des sociétés pluralistes. La séance inaugurale du jeudi, à laquelle a assisté un public nombreux composé d'enseignants, de spécialistes et d'étudiants, a été marquée par les trois introductions faites par Maître Léna Gannagé , doyen de la FDSP, puis par le Pr Salim Daccache s.j., Recteur de l'USJ, puis par Pr Georges Corm qui a donné dans une 1ère conférence des explications sur le vrai sens du multiculturalisme, les différences et les nuances entre diversité et altérité ainsi que le rôle que le droit politique joue pour organiser la société multiculturelle d'aujourd'hui. Ce colloque entend poursuivre les réflexions juridiques, déjà nombreuses, développées sur ce terrain à partir d’une approche comparative qui tiendrait compte de la diversité des sociétés multiculturelles. Les trois stables rondes qui suivirent le jeudi et le vendredi ont cherché à répondre à plusieurs questions: dans quelle mesure la différence culturelle doit-elle être valorisée et institutionnalisée ? Quels sont les droits que les minorités ou les communautés peuvent revendiquer pour elles-mêmes ou pour leurs membres ? Comment concilier la diversité culturelle et les exigences de la laïcité ? Quels sont enfin les liens qui unissent les membres des sociétés multiculturelles au-delà de la diversité de leurs appartenances? Pr Salim Daccache s.j., a estimé qu’avec « le phénomène migratoire continu et les déplacements de millions de personnes d’un continent à un autre et d’un état à un autre, nos sociétés sont devenues des sociétés multiculturelles. Même si la présence de personnes d’origines et de cultures différentes est source de richesse aux yeux de certains, la multiculturalité est aussi source de malentendus, de tensions voire de conflits » et qu’à « regarder de plus près, la cohabitation multiculturelle et la rencontre interculturelle ne sont pas une évidence assumée en soi. Le défi est de taille : comment faire cohabiter des personnes qui ont des modes de vie, des normes et des valeurs différentes ? Comment concilier le respect de la diversité et le respect de ses propres valeurs ? Le droit peut-il jouer le rôle de conciliateur ? Comment agencer entre le droit universel et les droits particuliers ? Aujourd’hui, n’y a- t- il pas une régression du droit universel au profit du droit particulier ? Quel sera le devenir du statut personnel à l’ère de la résurgence des religions et des droits fondés sur la religion ? Si le multiculturalisme est un danger pour l’identité d’une société, que peut faire le droit et quelle sera l’action des juristes pour conforter l’identité et empêcher l’effritement socio-culturel ? » Pr Daccache a aussi souligné « que nous avons la tendance chez nous d’idéaliser le Liban comme message de convivialité et de bonne gestion du pluralisme. Mais nous savons que ce qui est assez bien vécu au niveau des relations sociales devient du « terrorisme politique » entre les chefs des partis et un blocage des rouages de l’État devenu une mosaïque de biens particuliers au lieu qu’il soit un bien commun et au lieu d’aider la société à s’organiser et à sentir une bonne odeur dans ses diverses composantes. » et a donc souhaité que « ce colloque puisse faire avancer la cause de la société et de l’État de droit car comme dit un juriste français, sans droit pas de société possible et j’ajoute sans rendement de comptes pas de société ni de culture. » Puis Mme Léna Gannagé a indiqué que « si la faculté de droit a choisi, pour s’y associer, de consacrer un colloque au multiculturalisme, c’est parce qu’il lui semblait qu’il y avait là une question d’une grande actualité ; une question qui interpelle de plus en plus les juristes, les politologues, les anthropologues ; une question qui met au défi les sociétés contemporaines, et à laquelle peu d’entre elles échappent aujourd’hui, même si elles ont souvent du mal à l’admettre. C’est aussi évidemment parce que cette question est étroitement liée à la réalité de la société libanaise, celle d’une société pluraliste, fondée sur la coexistence de communautés religieuses, sur l’alliance des minorités, où le multiculturalisme plonge ses racines dans l’histoire, même si sa physionomie est un peu tourmentée. Et c’est peut-être, parce que ces communautés libanaises sont de manière récurrente en mal d’un destin commun, qu’il nous a paru utile de porter le regard vers d’autres sociétés multiculturelles, de procéder à une approche comparative pour vérifier s’il existe, sous d’autres cieux, des sociétés pluralistes plus apaisées et plus sereines parce qu’elles auraient réussi, elles, à trouver le secret du vivre ensemble. Et d’ajouter : « sans doute parce que toute société multiculturelle, toute société qui est confrontée à la nécessité de faire vivre ensemble des identités culturelles différentes, doit affronter les mêmes défis et les mêmes questionnements : Dans quelle mesure la différence culturelle doit- elle être valorisée ou institutionnalisée ? Toute différence culturelle mérite-t-elle de l’être ? Jusqu’où le particularismes culturels peuvent-ils être pris en compte sans remettre en cause la cohésion même de l’Etat ? Comment concilier la protection de l’identité individuelle et des identités collectives ? Quels droits reconnaître au profit des groupes et des minorités ? La laïcité est –elle inséparable du caractère démocratique de l’Etat ? Quelles sont enfin les valeurs à vocation universelle qui doivent s’imposer à tous au-delà des différences culturelles ? »