Le mouvement estudiantin : entre expérience du passé et aspiration pour l’avenir

18 Octobre 2016
Collaborateurs


Article paru dans l'OLJ Le parallélisme entre le mouvement estudiantin de l'avant et l'après-guerre a été au centre d'une table ronde organisée le 18 octobre à la faculté des lettres et des sciences humaines de l'Université Saint-Joseph, à l'initiative du master information et communication, en collaboration avec « L'Orient-Le Jour ». Les jeunes et la politique : entre démission et suivisme partisan. Tel est le thème de la table ronde organisée à la faculté des lettres et des sciences humaines de l'Université Saint-Joseph à l'initiative du master en information et communication de l'USJ, en collaboration avec L'Orient-Le Jour, dans le cadre d'un partenariat entre les deux institutions visant à permettre aux étudiants d'être confrontés très tôt au monde du travail. Cette table ronde a permis de favoriser un échange entre l'ancienne et la nouvelle génération, et d'illustrer les différences entre les mouvements estudiantins de deux époques différentes, celle d'avant la guerre de 1975 et celle d'aujourd'hui, ou de l'après-2005. La question posée était de déterminer comment le mouvement estudiantin pourrait prendre l'initiative au niveau de la société pour être influent et avoir un impact comme ce fut le cas avec le mouvement estudiantin d'avant-1975. Animée par l'analyste politique à L'OLJ Sandra Noujeim, la table ronde a été marquée par les interventions du chef du département de sociologie et d'anthropologie à l'USJ Roula Khoury, de l'ancien professeur d'histoire à l'Université libanaise (UL) Issam Khalifé et de l'ancien président de l'amicale de la faculté de droit et des sciences politiques à l'USJ Anthony Feghali. Sandra Noujeim a d'emblée dressé un aperçu du mouvement estudiantin de l'avant et l'après-guerre, en qualifiant l'époque qui se situe entre les années 60 et le début des années 70 d' « âge d'or » du mouvement estudiantin. Durant cette période, celui-ci était autonome et son action était axée sur des revendications à caractère universitaire, telles que la démocratisation de l'enseignement et le développement de l'UL. Entre 1997 et 2005, a-t-elle relevé, les doléances ont changé : elles portaient sur le recouvrement de l'indépendance du Liban face à toute occupation étrangère. Après 2005, les étudiants ne sont pas parvenus à s'entendre sur des revendications précises alors que, parallèlement, le poids des partis devenait prépondérant. Le professeur Issam Khalifé, qui a été l'un des principaux leaders du mouvement estudiantin avant la guerre, notamment à l'UL, a relevé que les organisations estudiantines ont joué avant 1975 un rôle de premier plan en ralliant les étudiants de toutes les universités du Liban. Les manifestations étaient alors axées sur des revendications communes, étroitement liées à la vie universitaire, en dépassant le clivage politique de l'époque entre gauche et droite, a-t-il indiqué. Les slogans portaient notamment sur la démocratisation de l'enseignement et la création de facultés de sciences appliquées à l'UL, a-t-il précisé, avant de relever que cette époque avait été marquée par la naissance d'une « troisième voie », entre la droite et la gauche, appelée le Mouvement de l'éveil, dont il était l'un des fondateurs. Le mouvement estudiantin, revêtant un caractère national, avait réussi à réaliser des réformes au sein de l'UL, comme la création du Conseil de la faculté, où les étudiants étaient représentés, et la création de facultés de sciences appliquées (médecine, génie, pharmacie, agronomie...). Sandra Noujeim a relevé dans ce cadre que la période la plus active de l'après-guerre se situe entre les années 1993 et 2005, l'action étant alors axée sur la lutte contre la tutelle syrienne. Mais le problème qui se posait alors résidait dans le fait qu'il n'y avait pas une entente entre les étudiants sur cet objectif politique et qu'il n'y avait donc pas un appel commun à la participation aux manifestations organisées à cette époque. Le chef du département de sociologie De son côté, l'ancien président de l'amicale de la faculté de droit et des sciences politiques à l'USJ en 2011, Anthony Feghali, a insisté sur le fait que le clivage entre le 8 et le 14 Mars a profondément imprégné la vie estudiantine en 2005. Il a affirmé à cet égard que pour une faction estudiantine, quel que soit son programme électoral, son succès ou non à des élections dépendra dans une large mesure de son positionnement politique et de ses alliances avec les partis. Sandra Noujeim a relevé à ce propos que le problème majeur du mouvement estudiantin de l'après-guerre est que l'action des jeunes est devenue trop partisane, ce qui empêche les étudiants de s'intéresser à des problèmes propres à eux, tels que l'assurance médicale, la hausse des tarifs, le transport, la carte d'étudiant... Il est temps que les étudiants se réapproprient l'espace public, notamment l'espace universitaire, dont ils ont été privés depuis des années, a-t-elle souligné. Le chef de département de sociologie et d'anthropologie à l'USJ, Roula Khoury, a noté qu'il faut surtout être conscient de la différence des époques et des contextes en comparant les mouvements estudiantins de l'avant-guerre et de l'après-guerre. Relevant que les jeunes sont politisés « jusqu'aux os », Mme Khoury a souligné que la situation des mouvements estudiantins des différentes époques est très difficilement comparable, puisque la situation économique, sociale et culturelle du Liban évolue. De plus, a-t-elle ajouté, il est très difficile de différencier entre partis de droite ou de gauche dans le Liban d'aujourd'hui, ce qui n'était pas le cas avant 1975. En conclusion, et avant que le débat ne soit engagé avec les jeunes présents, le professeur Issam Khalifé a souligné qu'il tenait à transmettre aux étudiants un double message : les jeunes doivent être conscients du fait que le Liban est confronté à une véritable menace existentielle en raison de l'effondrement de l'État et de ses institutions constitutionnelles ; et au plan des revendications estudiantines, les jeunes doivent agir, « descendre dans la rue » et surtout maintenir leur niveau d'éducation en faisant preuve d'une soif de lecture afin d'élargir leurs horizons. Le débat La parole a ensuite été donnée à l'assistance. La doyenne de la faculté des lettres et des sciences humaines de l'USJ, Christine Babikian Assaf, a souligné d'emblée que l'USJ est à l'écoute des étudiants, ce qui s'est manifesté notamment par la participation de leurs représentants au Conseil de la faculté. Plusieurs étudiants sont ensuite intervenus, dont certains ont déploré le fait que leur génération soit considérée comme inefficace comparée à celle de l'âge d'or des mouvements estudiantins. D'autres ont estimé que si le Liban se retrouve dans la situation actuelle, c'est à cause de l'inefficacité des mouvements d'avant-guerre. Une thèse qui a suscité un débat, parfois vif, entre les jeunes présents, et entre certains d'entre eux et les intervenants. Line EL-SAYED Fouad GEMAYEL Étudiants en master info com de l'USJ