« Le poids des langues dans le monde – Comment situer la langue arabe ?

Pr Louis-Jean Calvet a donné une conférence, organisée par la fondation de la pensée arabe, à l’occasion de la journée internationale de la langue maternelle
Mercredi 21 février 2018
Amphitéâtre Pierre Y. AbouKhater - Campus des sciences humaines

Professeur Louis-Jean Calvet a donné une conférence, organisée par la fondation de la pensée arabe,  intitulée  « Le poids des langues dans le monde – Comment situer la langue arabe ? », à l’occasion de la journée internationale de la langue maternelle et de la sortie de la traduction de son livre « Les langues : quel avenir ? Les effets linguistiques de la mondialisation », le 21 février 2018, à l’Amphithéâtre AbouKhater du campus des sciences humaines de l'USJ, en association avec la Fondation de la Pensée arabe. Et ce, en présence notamment du Pr Salim Daccache s.j., Recteur de l’Université Saint-Joseph, Pr Henri Awit, directeur général de la Fondation de la Pensée arabe et du Pr Jarjoura Hardane, représentant personnel du Président de la République Libanaise à l’Organisation internationale de la Francophonie qui ont prononcé un mot pour l’occasion.

 « et la langue arabe dans le concert de la mondialisation économique et marchande ? Quel est son statut ? Son avenir ? Comment restituer sa vitalité ? Nous savons que notre langue est en crise d’adaptation et de rapport à la modernité, elle qui fut dans le Moyen Âge la langue des sciences et de la culture. Aujourd’hui, notre langue subit la différenciation entre la fus7a, l’arabe littéraire et la 3amiyya le parler quotidien, de son éloignement culturel de la vie quotidienne des gens, même sa calligraphie est occidentalisée et sa grammaire presque déchue de son trône ! D’ailleurs certains spécialistes n’hésitent pas à relever que la crise de la langue arabe est une crise d’identité de la nation ou du monde arabe incapable de se liguer politiquement, de collaborer économiquement et de produire ensemble une culture humaine et scientifique pour notre temps », a indiqué pour sa part Pr Salim Daccache s.j.

De son côté, Pr Henri Awit, a souligné avoir à la Fondation de la Pensée Arabe comme à l’Université Saint-Joseph, le même souci de la promotion de la langue arabe et le même attachement au plurilinguisme.

Et d’ajouter à propos du Pr Calvet : « comment prétendre dès lors présenter en quelques phrases un auteur aussi fécond ? Au lieu d’une telle gageure, je me contenterai de vous inviter à lire cette œuvre, écrite en français mais dont les titres principaux ont été traduits dans une vingtaine de langues, y compris l’arabe, traductions qui témoignent du poids de l’auteur et de l’intérêt que son œuvre suscite à travers le monde. Et en attendant cette rencontre silencieuse avec ses écrits, je vous invite à écouter le message qu’il va nous délivrer à propos d’un sujet éminemment problématique, d’une brûlante actualité et de la plus haute importance. »

Par ailleurs, Pr Jarjoura Hardane a annoncé que sa courte intervention, en prélude à une séquence de questions-réponses, sera celle d’un lecteur (doublé de celle d’un auditeur) qui livre à chaud trois observations et trois questionnements.

Parmi ses observations, il estime qu’en lisant le livre (et en écoutant la conférence), on a l’impression de vivre un voyage exaltant avec les langues, toutes les langues, à travers tous les âges et tous les continents, que cette mosaïque impressionnante est l’œuvre non seulement d’un écrivain mais d’un  sociolinguiste rigoureux définissant les notions auxquelles il fait référence, choisissant minutieusement les critères de ses évaluations et que  cette double dimension littéraire et scientifique ne l’empêche pas d’opérer des choix catégoriques et de prendre des positions tranchées.

Parmi les questionnements : oui le poids des langues est inégal : l’anglais sur le marché des langues vaut plus que le dialecte libanais, mais le dialecte libanais ne remplit-il pas  les mêmes fonctions pour les libanais que l’anglais pour les anglophones ? Que devient le poids symbolique, psychique et constitutif de l’individu et du groupe social dans cette approche mercantile ?   Que devient par ailleurs l’arabe littéraire dans cette approche. 

Dans son intervention Professeur Louis-Jean Calvet a d’abord dressé un tableau de la situation linguistique actuelle du monde. Il a estimé que la décolonisation a été l’occasion de se poser des questions de politique linguistique. Par exemple quelle langue pour la gestion de l’état, pour l’éducation ? Celle de l’ancien colonisateur (anglais, français, portugais...)  ou une langue locale ? Et la réponse ne peut pas être partout la même. Puis de se poser la question : comment passer d’un système dans lequel le français était la langue de l’administration, de la politique, de l’enseignement, à un autre système dans lequel l’arabe prenne cette place ? Quel arabe ? Uniquement l’arabe ? Et que, pour le cas de l’arabe, s’ajoute des représentations linguistiques, à base religieuse ou politique. Et ces éléments que je vous ai proposés peuvent peut-être alimenter une discussion à la fois scientifique et pragmatique (politique linguistique, langues dans l’enseignement, etc.)

 

À propos du Pr Louis-Jean Calvet :

Titulaire en 1970 d’un doctorat de 3e cycle de linguistique, doublé en 1978 d’un doctorat ès lettres et sciences humaines, le Professeur Calvet a enseigné la sociolinguistique à la Sorbonne jusqu’en 1999, puis à l’Université d’Aix-Marseille.

Président du Centre d’études et de recherches en planification linguistique de 1985 à 1998, Expert du gouvernement français pour les problèmes d’aménagement linguistique de 1988 à 1995, il est également Expert de l’Agence intergou-vernemtale de la Francophonie.

Après avoir obtenu en 2012 le Sociolinguists Worldwide Award, le Prix Ptolémée lui a été attribué en 2016 par le Forum international de géographie, et le Prix Georges Dumézil par l’Académie française en 2017 pour son ouvrage La Méditerranée, mer de nos langues.

Outre « Le Baromètre des langues », qu’il nous présentera au cours de la conférence, la bibliographie du Professeur Calvet est tout simplement impressionnante, riche d’environ quatre cents articles et d’une bonne soixantaine d’ouvrages, auxquels il convient d’ajouter les ouvrages collectifs ou dirigés.