De jeunes syriens achèvent leur première année à l’USJ

Grâce à une subvention de l'AUF et de l'OIF, dans le cadre de leur projet de soutien à l’accueil d’étudiants « réfugiés ».
17 juin 2019
Rectorat

Chantal Eddé / L'Orient-Le Jour

Une vingtaine de réfugiés syriens bénéficient d’un programme d’accueil à l’Université Saint-Joseph qui leur a permis d’entamer leurs études à l’automne 2018, et ce dans différentes disciplines donnant lieu à une licence. Certains se sont inscrits en sciences économiques, en gestion hôtelière, en management ou en business administration, d’autres en sciences informatiques, en audiovisuel ou encore en sciences de laboratoire, comme Batoul Kaddour, 20 ans, originaire des environs de Damas. « J’avais étudié les sciences infirmières, puis j’ai décidé d’associer cette spécialisation aux sciences de laboratoire pour atteindre un de mes objectifs : établir mon propre laboratoire dans mon pays où je pourrais également soigner et aider les patients, et réduire au maximum leur douleur », assure la jeune étudiante.

En partenariat avec l’Agence universitaire de la francophonie (AUF), dans le cadre de son projet « étudiants en exil », et d’autres ONG, l’USJ a financé également le transport de ces étudiants, entre les camps implantés dans différentes régions du Liban et l’USJ au 1er semestre, ainsi que leur logement, à partir du 2e semestre, dans des foyers proches des campus où ils effectuent leurs études.

« Franchement, je ne croyais pas que mon rêve se réaliserait quand j’ai été admis à l’USJ », s’enthousiasme Mohammad Luay Kaddour, 22 ans, faisant partie du groupe accueilli.

Originaire de Daraya, Asmaa Khusheini, 20 ans, étudie les sciences informatiques. « Mon admission a été une merveilleuse surprise car j’en avais besoin pour poursuivre mon rêve », confie-t-elle. Son souhait : décrocher une licence puis une maîtrise et un doctorat, afin d’exercer sa profession en Syrie. « Mon pays a maintenant besoin de nos capacités, surtout dans le domaine de la technologie et de l’informatique », ajoute-t-elle.

Également en sciences informatiques, Mohammad Luay avait assisté auparavant à des cours de programmation informatique. « J’ai développé mes capacités afin de pouvoir étudier dans une université, et avec mon admission à l’USJ, j’ai réalisé mon rêve de compléter ce que j’avais commencé », raconte-t-il. Ce dernier souhaite rentrer un jour en Syrie qu’il a fuie en 2011, non sans avoir acquis de l’expérience. « Quand je terminerai mes études, je voudrais voyager et travailler dans des géants de renommée mondiale. En fin de compte, je retournerai dans mon pays pour participer à son développement, grâce aux connaissances que j’aurais maîtrisées à l’étranger. »

Encadrés par un groupe d’étudiants volontaires

En outre, le comité académique responsable du projet a mis en place des mesures pour faciliter l’intégration des jeunes réfugiés. Car si ces derniers ont accueilli leur admission à l’USJ avec enthousiasme, il n’en demeure pas moins qu’ils ont dû déployer des efforts pour s’y intégrer, notamment au début de leur parcours.

L’apprentissage de la langue française a d’ailleurs constitué le premier défi à franchir, comme l’explique Mohammad Luay qui est anglophone. « J’ai mis du temps pour m’habituer à ce passage de l’anglais vers le français. » Sa sœur, Batoul, évoque également ces difficultés liées au français. « J’ai tout d’abord souffert de mon incapacité à bien comprendre les conférences puisque les enseignants parlent vite, mais je me suis vite adaptée à cette situation et j’ai commencé à progresser petit à petit », assure-t-elle.

En effet, ces étudiants ont suivi des cours de remise à niveau du français, et ce dès la rentrée. « Je fais de mon mieux pour apprendre, j’espère parler couramment au début du semestre prochain », lance Tarek Charaf, 20 ans, étudiant en gestion.

De même, afin de faciliter l’apprentissage du français, le comité responsable du projet a formé un groupe d’étudiants volontaires, libanais et étrangers, chargé de les encadrer. « C’est l’occasion pour eux de parler français dans un contexte différent de celui de la classe, presque même de l’université. L’objectif est de les encourager à s’exprimer, sans la pression induite de la relation élève/professeur », note Jean Jehanne, un étudiant français en master 1 histoire/relations internationales.

Dans le cadre des activités que le groupe accompagnateur a organisées, les étudiants ont visité des musées ou se sont simplement réunis autour d’une table, « dans une ambiance détendue et informelle », comme le décrit Jean Jehanne. « Nous avons mangé ensemble, cela nous a permis de mieux nous connaître et d’établir une vraie relation entre étudiants, avec les mêmes contraintes académiques, mais aussi de souder le groupe », raconte Jean. Également membre du groupe accompagnateur, Nay Achkar, étudiante en licence option relations internationales, évoque les moments passés avec les étudiants syriens. « On se rencontrait pour leur tenir compagnie afin qu’ils ne restent pas toujours entre eux. »

D’ailleurs, ce groupe de volontaires a pour mission aussi de faciliter l’intégration des jeunes Syriens parmi leurs pairs. Ces derniers se sont, en effet, heurtés à un autre type d’obstacles. « Je n’ai pas a été acceptée par certains, il y a eu des idées haineuses diffusées. J’ai pu alléger le fardeau en communiquant ouvertement avec eux », confie Batoul. Quant à Tarek, il avoue avoir eu du mal au début à nouer des liens d’amitié. « Les étudiants sont totalement différents de ceux dans la Békaa. J’ai quand même réussi à me faire des amis en participant à des événements interuniversitaires tels des compétitions ou des camps », se réjouit-il.

En fin de compte, ces étudiants syriens ont pu se débrouiller tant bien que mal sur les plans académique et social. Batoul a ainsi « persévéré pour atteindre (son) objectif et a appris à résoudre les problèmes ». Ambitieux, rêvant de devenir un homme d’affaires et une personne active dans la société, Tarek confie : « J’ai essayé de donner le meilleur de moi-même au niveau académique, j’espère avoir de bonnes notes, tout en étant actif et social. » Quant à Mohammad Luay, il avoue ne laisser aucun problème l’arrêter sans avoir achevé ce qu’il avait commencé. « J’ai fait beaucoup de chemin pour arriver à ce que je suis maintenant », estime-t-il.

Presque achevée, l’année académique s’est ainsi révélée enrichissante pour ces jeunes, ainsi que pour le groupe qui les a accompagnés. « Cette expérience m’a fait réaliser qu’on est différents et pareils en même temps, ce sont des personnes de notre âge qui n’ont rien à voir avec ce qui se passe dans leur pays, on peut avoir son opinion sur la situation en Syrie, il faut avoir toutefois un éveil à l’humain, à la communication », rappelle Nay.

« S’ils peuvent s’en sortir, c’est un signe très encourageant pour tout le monde. Leur réussite est due à eux-mêmes, (…) à leur motivation et leurs capacités. L’initiative doit pouvoir véhiculer ce message », évoque Jean, en faisant allusion au projet d’accueil de réfugiés.

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