Dans la petite sphère d’Édouard Sfeir

Portrait d’un jeune homme plein d’entrain et de bonne volonté.
Samedi 28 mars 2020

Par Emmanuel Khoury, in L'Orient - Le Jour, samedi 28 mars 2020 

À tout juste 19 ans, cet étudiant en première année de biochimie à l’USJ est déjà un bon humaniste en herbe. Portrait d’un jeune homme plein d’entrain et de bonne volonté qui attend avec impatience la fin du confinement pour reprendre ses multiples activités.

Édouard Sfeir semble pouvoir tout faire : étudier la biochimie à la faculté des sciences de l’USJ, écrire régulièrement pour la revue universitaire Campus-J, effectuer un stage dans un laboratoire de génétique moléculaire à la faculté des sciences de l’USJ et coacher des lycéens du collège Notre-Dame de Louaïzé pour des concours d’éloquence internationaux. Mais ce n’est pas tout, il peut très bien fonder et présider un club de débats scolaires et écrire en parallèle des romans et des poèmes – quoique les publier devra encore attendre un peu... Plutôt impressionnant pour un garçon né en 2001 ; et l’on imagine sans trop de peine qu’en cette période de crise sanitaire déclenchée par le coronavirus, être confiné à la maison ne doit pas être chose évidente pour quelqu’un d’aussi prolifique. Heureusement quand même, bien entouré dans l’immeuble familial d’Antélias, Édouard Sfeir trouve de quoi s’occuper : il jardine, il cuisine, il lit des articles scientifiques à propos du virus. Les cours en ligne donnés par l’université ne semblent en revanche pas venir à bout de sa soif de connaissance: « J’avoue que la première semaine j’ai déprimé, ce n’était pas facile. Mais ensuite, je me suis repris en main et je me suis inscrit à des MOOC (cours intensifs accessibles en ligne) et des webinaires autour de la génétique, de la science cellulaire, de la virologie, de l’éthique dans la science… J’ai déjà trois certificats de suivi, qui sont des attestations délivrées par des universités françaises comme l’université de Montpellier ou de la Sorbonne. D’ici à mai, j’espère en avoir une vingtaine », annonce l’étudiant. Ces cours en ligne, proposés par le réseau France Université numérique (sur le site: https://www.fun-mooc.fr/), gratuits et accessibles à tous, sont d’ailleurs une excellente occupation à conseiller à n’importe qui.

La sortie du cocon familial en période de confinement
Édouard Sfeir est titulaire d’un bac libanais, spécialité sociologie et économie, qu’il passe au collège Notre-Dame de Louaïzé. Il grandit « dans un contexte familial et protecteur » entre Jeita et Antélias, où il passe ses week-ends dans l’immeuble familial. Fils unique, son père travaille dans le milieu de l’hôtellerie et de la restauration, sa mère a une entreprise de courtiers d’assurances. À Jeita, la maison Sfeir est entourée d’une grande forêt dont Édouard dit que « c’est de là que (lui) vient (s)on amour pour la nature ». L’arrivée du coronavirus pour un jeune fraîchement débarqué en première année de biochimie à l’université est forcément matière à réflexion scientifique. Lui et les 38 autres étudiants à la faculté des sciences du campus des sciences et technologies à Mansouriyé sont passionnés par le sujet. « Mais nous avons des avis partagés avec mes camarades d’université à propos du Covid-19. Certains sont plus inquiets que d’autres. Enfin, nous essayons de rester objectifs quand même. Nos professeurs nous donnent des cours en ligne, mais pas encore à propos du coronavirus, la virologie n’est enseignée qu’en 3e année. »

Ce qui n’empêche pas Édouard d’avoir son avis sur la question: « D’habitude, je suis le premier à critiquer ce qui se passe au Liban, mais là pour une fois je dois reconnaître que le gouvernement a très bien réagi avec le coronavirus. Ils ont pris la chose sérieusement. »

Lui qui dit adorer la France et son jeune président adore aussi lire, mais uniquement en français ou traduit vers le français. « Dans ma chambre, j’ai deux drapeaux de la France, dont l’un aussi grand que mon mur, et un poster d’Emmanuel Macron. Je préfère le français, j’ai baigné dans cette langue toute mon enfance. En ce moment je lis un livre intitulé Le nazi et le psychiatre de l’historien américain Jack El-Hai, c’est génial. » Passionné de la Seconde Guerre mondiale, il dit avoir lu quatre fois Mein Kampf. « Ce n’est pas que j’idolâtre le nazisme, mais je me demande comment un peintre a pu devenir mégalo à tel point. S’il était vivant, j’adorerais parler avec lui pour essayer de comprendre sa psychologie par le biais de son langage corporel. Je voudrais faire de la psychanalyse de cerveaux nazis », confie l’étudiant. Enfin, en attendant que la vie reprenne son cours normal, tous les moyens sont bons pour s’occuper et prouver qu’on peut encore être sérieux quand on a 19 ans…