La famille Benetton

Une comédie française que les francophiles trouvent grandiose incite la polémique chez les anglais et américains.
Hiba Douja CHEHADE
Mardi 29 décembre 2020
Organisateurs


Dans un humour typiquement français, Philippe de Chauveron met en scène une famille atypique que l’on trouva hilarante en France mais ‘pas ouf’ – pour parler en bon français – aux États-Unis. 

Vu que le cinéma n’est plus ce qu’il était et que les nouvelles sorties de films sont rares, je reviens sur le film français Qu’est-ce qu’on a fait au bon Dieu ? sorti en 2014. Claude et Marie Verneuil ont quatre filles dont trois mariées. Les gendres : Rashid Ben Assem, David Benichou et Chao Ling, respectivement arabe musulman, juif et chinois, ont tout pour déplaire à Claude et Marie, couple bourgeois très catholique. 

Imaginez donc leur tête lorsque leur ‘petite dernière’ choisit d’épouser Charles qui, bien que catholique, est ivoirien… d’autant plus que le père de Charles n’aime pas les blancs ! Remarquablement, non seulement les parents sont récalcitrants vis-à-vis de leurs gendres, mais les gendres entre eux ne manquent pas de s’entre-attaquer au lieu de se serrer les coudes. Toutefois, ils finissent par trouver un certain équilibre et c’est là que tout risque de se chambouler de nouveau quand Charles – et sa famille – font irruption dans ce nid qui n’a rien de douillet.

Ainsi, dès les premières minutes, le film pose de but-en-blanc des problématiques de société assez taboues, dans une France qui se veut laïque par excellence. Racisme, nationalisme, confessionnalisme, rien ne manque au menu, même – voire surtout – lorsque Marie prépare trois dindes à Noël, l’une halal, l’autre kasher et la troisième laquée. 

Le film réussit largement aux yeux des français qui le trouvent phénoménal. Il fait partie du top 10 des plus gros succès du cinéma français. Le Figaro analyse « les raisons de ce triomphe » trouvant qu’elles sont « cinématographiques, sociologiques, commerciales, idéologiques et sociales » et invite chacun à « établir son pourcentage ». Par contre, le film est mal reçu aux États-Unis et en Angleterre, qui semblent avoir eu l’impression qu’il encourage -plus qu’il ne dénonce- l’extrémisme racial, national et religieux mis en scène. L’humour employé dans le film ne les fait même pas rire.

Personnellement, je me range à l’avis de la critique française. 

Pour moi, le film est une grosse réussite. Pour ce qui est de la comédie, les piques verbales et la farce ne manquent pas, et la tête de Christian Clavier (Claude dans l’histoire) est impayable ! J’avoue néanmoins qu’il faudrait être fan de l’humour français pour apprécier à sa juste valeur les réactions des personnages. 

Peut-être est-ce là l’un des obstacles que rencontre le film chez son public américain/anglais ? 

De plus, et à mon plus grand bonheur, je trouve du Molière dans Chauveron ; une satire dénonciatrice des maux de la société, faisant rire sans manquer de frapper là où cela fait vraiment mal. À y réfléchir après en avoir bien ri, les propos haineux et explicites des personnages font en effet partie de la vie réelle, et malheureusement quotidienne, de nombreux d’entre nous, que nous soyons français ou pas. 

Je comprends – pas tout à fait, mais admettons – qu’a priori le texte pourrait sembler xénophobe en soi, mais l’enchaînement des péripéties ne peut que souligner le véritable objectif du réalisateur : dénoncer, avec force, la xénophobie sous toutes ses formes. Peut-être est-ce cela aussi qui choque le public américain/anglais, habitué à plutôt traiter de ces sujets tabous avec des gants de velours ?

En somme, et du moins à mon avis, Qu’est-ce qu’on a fait au bon Dieu ? a beau avoir 6-7 ans, mais c’est un film atemporel – un peu malheureusement aussi – à voir et à revoir, seul, entre amis ou en famille.