La bouche, une grotte mystérieuse

Les tumeurs buccales mettent en jeu le pronostic vital et fonctionnel vu qu’elles sont présentes au niveau d’un carrefour aéro-digestif.
Samir GHAFARI
Samedi 09 janvier 2021
Organisateurs


La cavité buccale, contrairement à ce que pensent certains, est un organe du corps humain qui joue un rôle aussi important que les autres, tout comme les poumons ou encore d’autres  membres. 

Elle est la porte d’entrée du système digestif ainsi que du système respiratoire mais elle est aussi responsable de l’articulation et de la phonation. La bouche est également un organe sexuel, ce qui la dispose au risque de cancers. Oui, les tumeurs de la cavité buccale existent !

Du point de vue épidémiologique, le cancer buccal est rare, de l’ordre de 3%. Cependant, c’est en même temps un cancer agressif qui met en jeu le pronostic vital, ce qui rend le dépistage primordial. Il est plus fréquent chez les personnes de sexe masculin d’un âge supérieur à cinquante ans, mais il prévaut désormais chez les jeunes pour les causes suivantes :

  • Le tabac est un risque cumulatif qui fait augmenter la probabilité d’apparition du cancer de 6 à 25 fois, surtout à partir de 20 paquets de cigarettes fumés par année.

  • L’alcool aussi est intimement lié au cancer, son effet synergique avec le tabac augmentant le risque de 15 fois.

  • Le HPV 16, virus sexuellement transmissible, fait augmenter le risque d’apparition de cancer de la cavité postérieure à la cavité orale de 14 fois, et c’est cette étiologie qui est responsable surtout de l’apparition de cette tumeur chez les jeunes de moins de 50 ans.

Heureusement, le dépistage est simple, et il concerne différentes spécialités médicales : les dentistes, les ORL, les chirurgiens plastiques, et même les dermatologues. Il est évoqué devant une lésion buccale persistante après traitement, devant une évolution progressive, un saignement, une dysphagie, une dyspnée, une otalgie ou encore devant une altération de l’état général. 

Il consiste à détecter des lésions précancéreuses qui, traitées précocement, évitent la progression vers un cancer. Ces lésions sont pour résumer de quatre natures :

  1. Des leucoplasies, lésions blanches, qui sont les plus fréquentes et qui apparaissent surtout après la consommation de tabac.

  2. L’érythroplasie, lésion de couleur rouge, beaucoup moins fréquente, mais dont la dégénérescence en cancer est obligatoire.

  3. Les papillomatoses orales florides, qui sont entre les deux lésions précédentes, et qui apparaissent surtout chez les femmes âgées non fumeuses, avec un pronostic sévère.

  4. Le lichen plan oral, un réseau blanchâtre, dont le risque de cancer reste discutable.

Ainsi, la présence de ces quatre lésions sous forme ulcérante, végétante ou fissuraire vont inciter le patient à se faire examiner - surtout si elles sont présentes sur la partie mobile antérieure de la langue - sachant que 30 % des cancers de la langue se trouvent à sa base postérieure, et ne sont pas facilement  diagnosticables. 

Enfin, il est nécessaire de détecter précocement les tumeurs de la cavité buccale, notamment chez les jeunes où leur incidence est augmentée par les pratiques sexuelles oro-génitales. 

Le traitement de ce cancer est tout d’abord le sevrage alcoolo-tabagique, qui double la survie !

Aussi, la vaccination anti-HPV a un rôle primordial, surtout chez les adolescents.