L’USJ alerte sur la dégradation critique de la qualité de l’air au Liban

Dimanche 7 septembre 2025

 

Depuis 2003, une équipe pluridisciplinaire de chercheurs de l’Université Saint-Joseph de Beyrouth (USJ), issue de la Faculté des sciences (FS) et de la Faculté des lettres et sciences humaines Ramez G. Chagoury (FLSH-Département de géographie), étudie la qualité de l’air au Liban. Leurs travaux révèlent une situation alarmante : la pollution atmosphérique au Liban, et en particulier dans les villes côtières, dépasse largement les normes fixées par l’Organisation mondiale de la santé (OMS).

Les résultats démontrent que plus de 90 % des habitants de la capitale sont exposés à des niveaux de pollution supérieurs au seuil admissible. Cette exposition chronique entraîne de graves conséquences sanitaires, notamment une augmentation des maladies cardio-vasculaires, pulmonaires et allergiques.

Entre 2018 et 2021, l’équipe a mené une étude innovante visant à affiner l’évaluation de l’exposition personnelle aux particules fines (PM2.5). À l’aide de capteurs portatifs à faible coût (Dylos DC1700), validés par comparaison avec des instruments de référence (R² = 0,89), et de données GPS retraçant les déplacements quotidiens, 150 profils individuels ont été analysés minute par minute. Les résultats montrent l’impact direct des activités quotidiennes, du contexte environnemental et des microenvironnements sur l’exposition personnelle.

Les concentrations moyennes annuelles de PM2.5 au Liban atteignent 24,2 µg/m³, soit 380 % de plus que la limite recommandée par l’OMS. L’hiver reste la période la plus critique en raison de l’usage accru du chauffage, tandis que le printemps est marqué par des vents chargés de poussières. Contrairement aux idées reçues, les zones rurales apparaissent plus polluées que les zones urbaines, en raison des pratiques agricoles et de l’utilisation d’équipements de chauffage traditionnels.

De plus, pour la première fois au Liban, des études menées par notre équipe à Beyrouth et ses banlieues, ainsi qu’à Zouk Mikael et dans la région de Chekka, ont permis d’identifier et de quantifier les sources de particules fines (PM2.5). Les concentrations moyennes annuelles y varient entre 25 et 36 µg/m³, soit cinq à six fois la limite annuelle de l’OMS. Certaines contributions sont naturelles ou transfrontalières, comme les tempêtes de sable (jusqu’à 40 %) provenant des déserts africains et arabes ou les sulfates importés de la Turquie et des navires touristiques de la Méditerranée (≈20 %), impossibles à réduire localement. En revanche, des sources évitables pèsent lourd : le trafic routier (jusqu’à 15 %), les industries et cimenteries (≈8–13 %), le brûlage de déchets (≈16 %), et surtout, les générateurs privés (1–6 %), très toxiques malgré leur faible masse. Ces données inédites ouvrent la voie à des politiques de réduction efficaces.

Ces recherches, conduites au sein du Centre de recherche en environnement – Espace Méditerranée orientale (CREEMO, FLSH) et de l’Unité de recherche environnement génomique et protéomique (UR-EGP, FS), se poursuivent aujourd’hui malgré un contexte national marqué par la crise économique. De nouvelles thèses portent sur des thématiques inédites, telles que la relation entre végétation et pollution atmosphérique à Beyrouth et la biosurveillance de la qualité de l’air.

L’équipe souligne enfin qu’une amélioration durable de la qualité de l’air requiert une gouvernance efficace et une participation citoyenne. Or, si la population libanaise est consciente de la gravité du problème, la crise actuelle et le manque de confiance envers les décideurs freinent toute mobilisation collective.