Au Mim, Salim Eddé frappe plus fort en étoffant sa collection spectaculaire de minéraux

Des spécimens aussi grands que rarissimes font leur entrée au musée de minéralogie Mim.
Mardi 18 mai 2021
Organisateurs


                          Sur cette roche s’est formée une coulée de 60 cm de cristaux d’apophyllite verte. Photo DR

Par May Makarem, in L'Orient - Le Jour, mardi 18 mai 2021.

Le musée de minéralogie Mim abrite l’une des plus importantes collections privées de minéraux au monde : 2 200 pièces illustrant 480 spécimens, provenant de plus de 70 pays. Constituée par Salim Eddé, ingénieur chimiste et cofondateur de la société informatique Murex, cette collection contenant des minéraux des grands gisements mondiaux ainsi que de nombreuses espèces rares est en constante évolution. Au cours de ces derniers mois, une dizaine d’échantillons, qui dormaient depuis des dizaines de millions d’années dans les entrailles de la terre, ont fait leur entrée dans l’établissement muséal de Beyrouth. Certains spécimens n’ont jamais été présentés au musée Mim. D’autres, dont on pouvait déjà voir des exemples, se déclinent en plus gros, plus esthétiques et plus frappants par leurs formes, couleurs et éclats exceptionnels. « Une gageure, selon le collectionneur, car trop souvent les gros minéraux extraits sont cassés. Il n’est pas courant de les trouver intacts. »

Une pièce très rare associant deux minéraux, la béryllonite et la pollucite, fait ainsi son entrée au musée. Découverts au XIXe siècle sur l’île d’Elbe, en Italie, ces cristaux affichent des teintes qui varient de l’incolore au blanc voire au jaunâtre. « Les échantillons ne dépassent souvent pas un demi ou un centimètre, et n’ont généralement aucune esthétique », explique Salim Eddé, également actionnaire de L'Orient-Le Jour. Sauf que cette fois, le Pakistan va livrer un exemplaire remarquable. Dans la zone transfrontalière avec l’Afghanistan où le secteur minier est en effervescence depuis une trentaine d’années, les mineurs ont réussi à extraire une pièce exceptionnelle de 65 cm environ, dont la forme rappelle celle d’un lion couché. La béryllonite évoquant la crinière et la pollucite le corps du mammifère. Pour le collectionneur, cette découverte « est un vrai coup de chance ! »

Autre nouveau venu au Mim, l’apophyllite, incolore ou verte avec des formes pointues, connue en Inde, particulièrement dans l’État du Maharashtra (dont la capitale est Mumbai), où des millions d’échantillons se sont formés dans les poches du basalte. Ce minéral qui forme des ensembles de cristaux esthétiques, est recherché par les collectionneurs et les musées. Le Mim en possède déjà plusieurs. Mais là, Salim Eddé a réussi à mettre la main sur un échantillon de 70 cm : une plaque blanche sur laquelle s’est formée une coulée de 60 cm de cristaux d’apophyllite couleur verte. « Une esthétique, précise-t-il, inhabituelle à ce spécimen qui prend ici la forme d’un reptile, comme un clin d’œil au serpent à deux pattes de notre collection de fossiles libanais. » Et de rappeler que ce serpent (bipède), découvert à Nammoura (à l’est de Byblos), représente la phase de transition entre les lézards et les serpents. À ce jour, il s’agit de l’unique espèce du genre trouvée au Liban.

                                   Surprenante sidérite qui a poussé sur de gros cristaux d’orthose blanche. Photo DR

Des sculptures formées depuis la nuit des temps

Le Mim, qui possède déjà une centaine de quartz de toutes les couleurs possibles en forme de cube ou de pyramide, met en vedette aujourd’hui une étonnante plaque de quartz vert sur laquelle s’est posée une gigantesque fluorite rouge. Cette dernière se présente sous la forme d’une pyramide, entourée d’une constellation de fluorites roses plus petites. Un remarquable ouvrage de la nature. Vu de loin, on croirait la miniature du plateau de Gizeh avec ses pyramides de Khéphren et Mykérinos… « C’est à se demander si la nature n’a pas inspiré les architectes antiques », relève Salim Eddé qui a également jeté son dévolu sur une dioptase en forme d’assiette découverte au Congo. Ce minéral de cuivre est d’un vert prodigieux encore plus beau que celui de l’émeraude. Mais il ne se taille pas comme une pierre fine car il est trop tendre et se casse facilement.

Autre pièce récente, la sidérite, un minerai de fer utilisé au XIXe siècle pour produire l’acier. « D’un vert foncé, il ne ressemble en général pas à grand-chose et n’a pas de belles formes cristallines », fait observer M. Eddé. Mais ici, la sidérite surprend. Elle a poussé sur de gros cristaux d’orthose blanche, une espèce minérale utilisée pour fabriquer de la porcelaine. Le résultat est « aussi sculptural que rare pour un gros cristal et pour une matière si banale ». Le passionné n’a donc pas hésité à l’ajouter à sa collection.

Une autre pierre ornementale façonnée depuis l’aube des temps : les stalactites de malachite provenant de la République démocratique du Congo. Les ouvriers ont découvert ce spécimen dans une mine qui ressemble à s’y méprendre au décor de Emerald City (série américaine basée sur le livre de Frank Baum, The Wizard of Oz). « Des stalactites aussi grandes et aussi bien conservées sont exceptionnelles, car elles se brisent facilement », explique le fondateur du musée Mim, qui a évidemment craqué pour cette étonnante pièce esthétique.

Sceptres et gogottes au rendez-vous

Et ce n’est pas fini. Les rétines du visiteur sont littéralement happées par deux « gogottes », ces fameuses sculptures des sables de Fontainebleau. Elles se caractérisent par leur taille, leur blancheur et la perfection de leur surface ondulée, la finesse et la régularité des grains de sable qui la constituent (ce qu’on appelle le grès), ainsi que l’absence quasi totale d’autres minéraux que le quartz. Connues depuis l’époque de Louis XIV qui en possédait des exemplaires dans son jardin de Versailles, les gogottes sont appréciées comme de rares pièces d’art naturel, chacune possédant sa propre forme unique et atypique. On ne les trouve qu’en France, dans de très rares endroits localisés sur une partie du bassin parisien. Un article paru dans le quotidien régional français La République du Centre relate l’origine de ce drôle de nom de gogotte qui a fait florès. Il révèle qu’on le doit à Claude Guillemin (1923-1994), ancien directeur du service géologique national au Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM). La petite histoire dit qu’un soir, alors qu’il lisait à ses petits-enfants Les vacances de Zéphir, le petit singe compagnon du roi Babar, il y découvre des monstres dont Polomoche, et des gogottes qui se cachent derrière des cailloux. Sur un dessin de l’album, ces cailloux lui rappellent les concrétions gréseuses qu’il connaissait bien, qu’on trouve tout au nord de son département du Loiret. Pour capter l’attention de ses petits-enfants, il associe ces gogottes imaginaires et ses cailloux. L’histoire fait boule de neige dans les milieux de la géologie, et dans le monde entier. Il n’y a pas de raison que la collection prestigieuse du Mim n’ait pas son sceptre. Et elle va en brandir plus d’un ! Provenant, du Nevada, aux États-Unis, une plaque entièrement intacte, complète de tous les côtés, renfermant des quartz en forme de sceptres d’une esthétique rare, a trouvé une place de choix au musée. Voilà, en bref, le genre de minéraux d’exception que Salim Eddé cherche à sélectionner. Des pièces grandes, belles, qui frappent les esprits d’émerveillement.

                                    Les stalactites de malachites provenant de la République démocratique du Congo exceptionnellement bien conservées. Photo DR

Exit le musée punition !

Pourtant « c’était plus l’aspect scientifique, et bien entendu esthétique, que je recherchais au début », confie Salim Eddé. « Mais en discutant avec Suzy Hakimian (Conservatrice en chef du Mim, et ex-conservatrice du Musée national de Beyrouth), Jean-Claude Bouillard (directeur de la collection des minéraux de l’UPMC – La Sorbonne), et mes frères, nous sommes arrivés à la conclusion que faire un musée scientifique à la mode de ceux qui existent ailleurs est le moyen le plus sûr de tuer le projet. De même, un conseil d’un de mes frères, qui a des enfants, était d’éviter le musée punition. Cette phrase m’a marqué. Le projet a donc été axé sur le concept de beauté et de rareté. » Toute la gageure est d’essayer d’aller aussi loin que possible dans des espèces esthétiques et visibles à l’œil nu, afin de stimuler l’intérêt des visiteurs et de les inciter à y revenir. Évidemment, l’aspect scientifique n’est pas négligé. Le lieu propose à travers les supports informatiques un véritable voyage virtuel au cœur de la Terre. Des panneaux interactifs permettent de faire ses premiers pas dans le tableau de Mendeleïev et de pénétrer les arcanes de la minéralogie. Un vaste écran interactif horizontal donne des informations plus précises sur la minéralogie des pays représentés et leurs gisements. Le visiteur peut aussi se familiariser avec la tectonique des plaques, le cycle de la roche et la formation des minéraux, de leurs couleurs et leurs formes, leurs propriétés chimiques et électromagnétiques, le milieu géologique dans lequel ils ont évolué, sans oublier les circuits commerciaux qui leur sont associés. En un mot, l’immersion dans la palpitante aventure des temps immémoriaux est totale. En visitant ce musée, on peut découvrir et connaître de quoi le monde minéral est capable.

Musée Mim, campus de l’Innovation et du Sport – Université Saint-Joseph, rue de Damas, Beyrouth.Téléphone : +9611421672

Courriel : info@mim.museum

Site internet : http://www.mim.museum

Horaires : 10h-13h, 14h-18h. Fermé les lundis

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