Un vent de renouveau souffle sur le Monnot !

Un vent de renouveau souffle sur le Monnot !

Mercredi 11 juin 2025

Organisateurs


 

Propos recueillis par Tina Chamoun

Le Monnot, un théâtre ouvert à tous

Faisant rimer passion avec ambition, Josyane Boulos annonce d’emblée : « Dès mon premier jour à la tête du Monnot, mon premier but a été de « populariser » le théâtre et de le rendre plus attractif et accessible à toutes les couches de la société, ainsi qu’aux jeunes ». Pari hautement relevé grâce à une programmation variée pour tous les goûts, allant des comédies légères tout public, à des pièces tragi-comiques ou carrément déjantées en passant par des spectacles plus profonds, comme Humains de l’artiste suisse Narcisse, récemment jouée au Monnot. « Ce qui est intéressant, précise Boulos, c’est que le public est de plus en plus intelligent », comme en témoignent les différentes représentations affichant quasi-complet et les prolongations à répétition de certaines ! « On fait même des nocturnes », ajoute-t-elle fièrement. D’ailleurs, ce qui distingue les pièces produites au Monnot, c’est leur touche occidentale avec une note bien de chez nous. « Les gens ont besoin d’autre chose que d’aller au resto », lance Josyane Boulos avec ce mélange d’humour et de lucidité qui la caractérise.

Des talents émergents, des émotions vraies et des histoires à partager

« J’essaie de choisir des spectacles qui ne demandent pas de gros budgets techniques », confie Josyane Boulos, « même si le Monnot a beaucoup investi pour offrir des conditions optimales dans ses deux salles : la Grande, 260 places, et l’ACT, 60 places. On a tout refait — déco, son, lumière… ». L’ACT, à l’origine une petite scène intimiste conçue par Hagop Der Ghougassian, s’est transformée en un véritable tremplin pour les talents émergents. « On y soutient de jeunes artistes, comme le lauréat du Monnot d’argent, Garcess Kanaan, dans une adaptation de The Father et qui s’y joue en ce moment, et une pièce prévue pour bientôt par la lauréate du Monnot d’or, Pia Khalil ». Ainsi, deux spectacles sont souvent programmés en parallèle au Monnot, preuve de sa vitalité artistique.

Ce que les Libanais viennent chercher au théâtre ? Des émotions vraies, passer du rire aux larmes, souvent dans un même souffle. Le public est friand de théâtre à dimension humaine et sociale, et le Monnot ne manque pas de répondre à cette attente avec des pièces qui interrogent, réveillent les mémoires et offrent, au passage, une forme de catharsis collective.

Et si vous pensiez que le spectacle s’achève avec le baisser du rideau, eh bien détrompez-vous. En effet, l’aménagement convivial du lobby, avec un bar accueillant, auquel Josyane tenait absolument, invite les spectateurs à échanger entre eux, pour partager leur avis concernant la pièce jouée et ou même discuter avec les acteurs et les réalisateurs qui se joignent souvent à cette joyeuse effervescence, créant ainsi une belle cohésion sociale. 

Cap sur 2026

Côté programmation, Josyane est déjà projetée vers l’avenir : « On est complet jusqu’à l’automne 2026 ! », annonce-t-elle avec un large sourire. Et cerise sur le gâteau, la venue d’un immense acteur français l’an prochain. Mais chut… la directrice préfère garder le mystère encore un peu.

Chaque année, elle s’envole au Festival d’Avignon, l’un des rendez-vous incontournables du théâtre contemporain, pour établir des contacts et dénicher des spectacles susceptibles de séduire le public libanais. Un vrai travail de repérage pour convaincre des troupes de venir jouer chez nous, « Notre pays est une pierre blanche sur leur CV, beaucoup de pièces françaises sont jouées ici. Le Liban est très sexy pour les Frenchies ! », plaisante-t-elle.

Pour autant, la directrice n’éclipse pas l’actrice qu’elle est, même si ses activités se concentrent actuellement sur la mise en scène et la production de pièces de théâtre. « J’ai récemment joué dans une comédie, "Al Arba3ine", et je prépare la mise en scène d’un spectacle prévu pour l’automne 2026 ; je jouerai également l’année prochaine dans une pièce d’Alexandre Najjar sous la houlette de Lina Abiad ».

Josyane prépare déjà la prochaine saison avec une ambition intacte : continuer à faire vibrer le Monnot, à élargir son public, et surtout à nourrir cette passion commune qui fait que le théâtre au Liban est plus vivant que jamais.

 Le Monnot, scène de la dynamique culturelle libanaise

Pour Josyane Boulos, le théâtre, c’est bien plus qu’un spectacle : c’est une mission. En effet, une cause lui tient particulièrement à cœur, celle de l’inclusion. Fièrement, elle rappelle que le Monnot est à ce jour le seul théâtre au Liban à proposer de l’audiodescription pour les personnes non-voyantes. Et ce n’est pas tout : une formation au langage des signes est aussi en cours. « Le théâtre doit être pour tout le monde », insiste-t-elle, avec cette conviction tranquille qui fait avancer les choses.

Sous sa direction éclairée, le Monnot s’est indubitablement imposé comme le précurseur d’un véritable renouveau de la scène théâtrale libanaise ; non seulement il a retrouvé son éclat d’antan, mais il a aussi donné un coup de fouet à l’ensemble du paysage théâtral du pays.

Résultat ? Une scène toujours en effervescence où se croisent créations locales et spectacles venus d’ailleurs, avec une énergie bouillonnante, à l’image de Josyane Boulos, faisant du Monnot un carrefour culturel incontournable.

Ce succès, elle le ressent aussi dans la rue, lorsque des passants l’arrêtent pour la féliciter : « Bravo Josyane, tu as redonné au Monnot la place qu’il mérite », ou encore cette femme qui lui a un jour confié : « Tu es l’oxygène de Beyrouth », se rappelle-t-elle émue.

Dans un pays où l’art devient un acte de résistance, le théâtre Monnot demeure un lieu de mémoire et de rencontre, porteur d’un avenir culturel vivant et engagé.

« Le théâtre est vivant. Il doit respirer, bouger, provoquer, toucher… et surtout, ne jamais se reposer sur ses lauriers », conclut-elle avec une étincelle dans les yeux.