Collaboration en santé : de la formation aux milieux de soins, un enjeu au cœur d’une journée scientifique à l’USJ

Collaboration en santé : de la formation aux milieux de soins, un enjeu au cœur d’une journée scientifique à l’USJ

Jeudi 10 juillet 2025

Rima Sassine Kazan, Doyenne de la Faculté des sciences infirmières. Photo USJ

OLJ / Par Chantal EDDÉ, le 10 juillet 2025 

C’est sous le thème « Briser les silos : le pouvoir de la collaboration interprofessionnelle » que la Faculté des sciences infirmières (FSI) de l’Université Saint-Joseph a organisé sa journée scientifique, le 24 juin, au Campus des sciences médicales (CSM).​

Au programme de cette journée, trois tables rondes articulées autour de la collaboration en santé, axées respectivement sur l’intelligence artificielle, la formation universitaire et les milieux de soins. Il s’agit de proposer « une réflexion approfondie et prospective sur les leviers, obstacles et innovations qui façonnent la collaboration entre les professionnels de santé, aujourd’hui et demain », souligne Rima Sassine Kazan, doyenne de la Faculté des sciences infirmières.

Réunissant des acteurs issus des mondes académique, hospitalier et managérial, la journée scientifique, qui s’est tenue dans le cadre des festivités des 150 ans de l’USJ, a voulu mettre en lumière le rôle crucial de la collaboration interprofessionnelle, à l’heure où la transformation des pratiques de soins et de formation pose un réel défi. « Collaborer, ce n’est pas seulement additionner les expertises mais les intégrer dans une réponse collective et humaine adaptée aux besoins du patient », affirme Rima Sassine Kazan dans son mot d’ouverture. Dans son allocution, Abir Allamé, présidente de l’ordre des infirmier.ères du Liban, précise, quant à elle, que les professionnels de santé unissent leurs expertises pour « une prise en charge efficace centrée sur le patient », en adoptant une approche interdisciplinaire fondée sur la complémentarité.

D’ailleurs, les bénéfices des pratiques collaboratives sont multiples, selon Rima Sassine Kazan, allant de l’amélioration de la qualité des soins, à la sécurité et la satisfaction accrue des patients et la réduction des erreurs, jusqu’à l’innovation dans la pratique. Cette approche considère le patient non plus comme un simple cas clinique ou une situation éthique, « mais plutôt comme une personne entourée d’une équipe cohérente et engagée », ajoute cette professeure. En parallèle, comme l’a souligné dans son allocution le Dr Pierre Anhoury, conseiller du ministre de la Santé publique – qu’il représentait pour l’occasion –, les pratiques collaboratives profitent également aux infirmier.ères, réduisant leur charge mentale, optimisant leur temps et valorisant leur rôle, tout en améliorant la communication et la coordination des soins.

L’intelligence artificielle au cœur de la collaboration

Intitulée « Intelligence artificielle et collaboration en santé : opportunités, défis et transformations », la première table ronde a exploré l’intelligence artificielle comme facteur de transformation des dynamiques de collaboration entre professionnels de santé. L’objectif a été d’identifier « les opportunités qu’elle offre, les défis à anticiper, ainsi que les compétences à développer pour en faire un levier de coopération interprofessionnelle plutôt qu’un facteur de fragmentation », explique Rima Sassine Kazan.

Parmi les axes qui ont été discutés pendant cette table ronde figurent les applications de l’IA en santé pour améliorer la qualité des soins et la sécurité des patients ou le recours aux analyses prédictives, permettant des diagnostics plus précoces et mieux ciblés, ainsi que l’accélération de l’interprétation, comme l’a indiqué au cours de son intervention le Pr César Yaghi, chef du service de gastro-entérologie à l’Hôtel-Dieu de France (HDF) et directeur médical adjoint.

Sur un autre niveau, ce médecin a ajouté que « les applications intrahospitalières de l’IA sont énormes, qu’elles soient en termes de recherche, de partage d’informations entre les soignants ou du flux des patients, de leur admission jusqu’à leur sortie ».

Le développement d’outils numériques permet par conséquent une meilleure organisation et réduit ainsi la charge administrative.

Intervenant sur les bénéfices de l’intégration des outils d’intelligence artificielle à l’HDF, Nassib Nasr, directeur général du CHU-HDF et du réseau hospitalier USJ-HDF, affirme que, malgré le coût élevé de cette évolution technologique, l’HDF collabore avec les différentes institutions de l’USJ – à l’instar de l’École supérieure d’ingénieurs de Beyrouth |(ESIB), l’Institut national des télécommunications et de l’informatique  (INCI) et le pôle technologique Berytech –, « en vue de développer l’IA et de moderniser l’hôpital. Et ce n’est que le début ! » annonce cet expert managérial.

Quant au rôle des infirmières dans le cadre de l’intégration des technologies IA, Cynthia Abi Khalil Jammal, directrice des soins à l’Hôpital libanais Jeïtaoui, a assuré que « la première collaboration est celle de l’équipe technique, ingénieurs et codeurs, avec les professionnels de la santé. Il faut intégrer les infirmier.ères au moment de la conception de l’idée jusqu’à son développement puis son évaluation, dans les équipes d’intelligence artificielle et de prise de décision ». D’ailleurs, Hicham Bawadi, directeur des soins à l’AUBMC, rappelle que « la technologie ne doit pas constituer une barrière, il faut apprendre à l’utiliser », la finalité étant pour les infirmières et infirmiers de fournir des soins de meilleure qualité.

De l’université aux milieux hospitaliers et communautaires

La deuxième table ronde a porté sur l’interdisciplinarité au cœur de la formation universitaire, mettant en lumière des initiatives concrètes réalisées à la FSI et à l’USJ. Il s’agit entre autres de projets pédagogiques conjoints, de cours coconstruits ou de simulation interdisciplinaire. À travers les interventions d’enseignants, d’étudiants, de médecins et de responsables pédagogiques, cette table ronde a mis en lumière « la nécessité d’une formation fondée sur la co-construction, le respect mutuel et l’apprentissage collaboratif », note Rima Sassine Kazan. Au-delà de l’approche interdisciplinaire dans la formation des futurs professionnels de santé, elle vise à « proposer des stratégies concrètes pour renforcer une culture académique collaborative », poursuit la doyenne.

Par ailleurs, au cours de la troisième table ronde sur la collaboration interprofessionnelle en milieux hospitalier et communautaire, les intervenants ont analysé « les spécificités de la pratique collaborative dans différents milieux ». Ils ont également proposé « des pistes d’action concrètes pour former des soignants capables de coopérer efficacement, y compris en dehors des structures hospitalières traditionnelles », ainsi que « des stratégies durables pour une coopération ancrée dans les besoins locaux », d’après Rima Sassine Kazan.

À la suite de cette journée scientifique, plusieurs recommandations ont tracé les grandes lignes des étapes à venir, selon la Doyenne de la FSI. « Afin de renforcer la collaboration interdisciplinaire au sein de l’USJ et dans les milieux de soins », il est essentiel de « créer des espaces de dialogue et de réflexion », tels que l’organisation de forums de discussion à l’USJ ou d’une journée de réflexion réunissant l’ensemble des professionnels concernés. Il a été également recommandé de « développer une pédagogie collaborative en milieu clinique », en concevant par exemple des modules coenseignés dans les milieux de soins, « d’intégrer les technologies au service des relations humaines » et de « renforcer les compétences relationnelles et le leadership », tout en encourageant « le respect mutuel, l’écoute active et une communication interprofessionnelle efficace », ainsi que de « favoriser la formation continue et l’inclusion », résume ainsi Rima Sassine Kazan.

Enfin, à l’issue des tables rondes, le prix Maha el-Khoury, instauré par la Faculté des sciences infirmières en 2015, en hommage à l’enseignante de la Faculté tragiquement disparue, a récompensé Tracy Gerdack, Rafca Nassif et Serena Naoufal, trois étudiantes en sciences infirmières, lauréates du concours Ma thèse en 180 secondes.